Censure et arrestations de journalistes alors que la contestation sociale s'élève au Soudan

Reporters sans frontières exprime sa très vive inquiétude suite à la dégradation récente de la situation de la liberté de la presse au Soudan. Dans ce pays déjà hostile au travail des journalistes, les confiscations de journaux et les arrestations de professionnels des médias survenues le 30 janvier 2011, en marge de manifestations populaires, font craindre un retour en force de la répression. L'organisation condamne la volonté du gouvernement de Khartoum de censurer l'information en intimidant les journalistes et en les dissuadant de couvrir les mouvements contestataires. Comme en Tunisie et en Egypte, le peuple, notamment les étudiants, entend exprimer sa soif de liberté en scandant des slogans tels que "Révolution contre la dictature!". Comme chez son voisin égyptien, les forces de sécurité ont sévèrement réprimé le mouvement et ont entrepris d'empêcher les médias de se faire l'écho de cette actualité. Le 30 janvier, des manifestations ont été organisées dans plusieurs villes du pays, notamment à Khartoum et Omdurman. Initiées par les réseaux sociaux, notamment Facebook, où un groupe intitulé "30 janvier, à l'attention de la jeunesse soudanaise" appelait à des manifestations pacifiques, les protestations réclamaient la fin de "l'injustice et l'humiliation". Inspirés par la récente révolution tunisienne et les révoltes en cours en Egypte, les manifestants expriment leur colère contre la gestion politique, économique et sociale du pays. Plusieurs dizaines de personnes ont été arrêtées, dont certains journalistes, parmi lesquels Hamza Baloul, correspondant pour le journal qatari Alsharq, Sarah Tag, du journal Alsahafa, Ali Haj Al-amin, d'Ajras Alhurrya, Hussein Khogali, rédacteur en chef du quotidien Al-Wan, et Mohamed Amir Musa, de l'agence de presse turque Al-ikhlas. Un photographe de l'Agence France-Presse (AFP) a été détenu par des soldats pendant près de deux heures et une dizaine de journalistes ont reçu l'ordre de ne pas couvrir les manifestations. Certains sites Internet auraient également été bloqués, notamment ceux appelant à manifester. Dans la nuit du 30 au 31 janvier, les quotidiens Alsahafa et Ajras Alhurrya ont été confisqués, empêchant leur publication prévue le lendemain. "Le pays, qui figure déjà à la 172e place, sur 178 pays, dans notre classement mondial 2010 de la liberté de la presse, ne cesse de confirmer son rôle de mauvais élève en termes de liberté d'expression. Certes il existe une presse diverse au Soudan, mais dès qu'elle touche aux sujets sensibles, la répression est brutale. Les manifestants protestaient de manière pacifique et les journalistes arrêtés ou empêchés de faire leur travail ne faisaient qu'exercer leur mission d'information. L'argument des autorités selon lequel ces personnes menaçaient la sécurité nationale ne tient pas", a déclaré l'organisation. La partition imminente du pays consécutive au référendum d'autodétermination du Sud suscite de nombreux débats que le gouvernement de Khartoum tente d'annihiler. Le processus référendaire a été entaché de quelques violations de la liberté de la presse. Reporters sans frontières s'est également insurgée, la semaine dernière, contre la détention et la mise en accusation de deux journalistes de l'est du pays qui risquent la peine de mort . L'organisation rappelle en outre que cinq autres journalistes sont actuellement en prison au Soudan : Gafar Alsabki Ibrahim, journaliste de Alsahafa, détenu depuis le 3 novembre 2010, Abdelrahman Adam, collaborateur pour Radio Dabanga, depuis le 30 octobre 2010, ainsi que Abuzar Al Amin, Ashraf Abdelaziz et Altahir Ibrahim (alias Altahir Abugawhara), tous trois journalistes du quotidien d’opposition désormais interdit Rai al-Chaab (L’Opinion du Peuple), détenus depuis mai 2010.
Publié le
Updated on 20.01.2016