Cameroun : Ahmed Abba en détention depuis plus de 10 mois

A la veille d’une nouvelle audience dans le procès d’Ahmed Abba, Reporters sans frontières (RSF) condamne vigoureusement l’acharnement judiciaire dont fait l’objet le journaliste camerounais. L’organisation demande l’abandon des procédures et la libération immédiate du correspondant en langue Haoussa de RFI, détenu depuis plus de 10 mois dans l’attente de son jugement.

Ahmed Abba comparaît aujourd'hui pour une nouvelle audience au tribunal militaire de Yaoundé. Son incarcération remonte au 30 juillet 2015, après son arrestation lors d’un contrôle de routine mené par les forces de l’ordre à Maroua. Le journaliste a d’abord passé 15 jours en garde à vue avant d’être transféré dans les locaux des services de renseignements à Yaoundé où il est resté détenu au secret pendant 3 mois, sans accès à un avocat ou un médecin malgré les violences dont il se plaignait. Présenté pour la première fois devant les enquêteurs de la gendarmerie nationale le 13 novembre, il est accusé de “complicité d’actes de terrorisme” et “non-dénonciation d’acte de terrorisme”.


Selon son avocat, ces chefs d’inculpation s’appuient sur des entretiens qu’Ahmed Abba a eu dans le cadre d’un reportage sur le groupe terroriste Boko Haram. Il est en fait reproché au journaliste de ne pas avoir partagé avec les autorités les informations qu’il a collectées sur l’organisation djihadiste.


“Les autorités camerounaises ne semblent pas saisir l’importance capitale du principe de protection des sources qui permet aux journalistes d’obtenir plus aisément des informations sensibles, déclare Reporters sans frontières. Il est inadmissible qu’un journaliste qui a simplement fait son travail soit retenu depuis si longtemps en détention, qui plus est dans des conditions déplorables. Nous demandons aux autorités de libérer Ahmed Abba sans plus de délais et d’abandonner toute poursuite judiciaire à son encontre.”


Depuis l’ouverture du procès le 29 février dernier, les audiences sans cesse renvoyées prolongent le séjour du journaliste en prison. Le 25 avril, le tribunal a rejeté les exceptions en nullité plaidées par son avocat, Me Charles Tchoungang, qui demandait l’abandon des poursuites en raison de violations graves des droits de l’accusé depuis le début de son incarcération.


Ahmed Abba n’est pas le seul journaliste poursuivi de la sorte devant la justice camerounaise. RSF avait déjà dénoncé en janvier 2016 les charges de “non-dénonciation” retenues contre les journalistes Baba Wame, Rodrigue Ndeutchoua Tongue et Félix Cyriaque Ebolé Bola, qui doivent à nouveau comparaître le 17 juin prochain. Les professionnels des médias camerounais font régulièrement l’objet d’abus de la part des forces de l’ordre et des autorités. Le Conseil national de la communication, proche du pouvoir, n’a pas hésité à suspendre cinq médias et onze journalistes depuis le début de l’année.


Le Cameroun est classé 126ème sur 180 pays au Classement de la liberté de la presse établi par RSF en 2016.

Publié le
Mise à jour le 21.10.2016