Australie

Le gouvernement souhaite mettre en place un filtrage d’une ampleur sans précédent pour une démocratie, sous couvert de lutter contre la pédopornographie. L’Etat d’Australie du Sud a adopté une législation contre l’anonymat en ligne. Un système de filtrage draconien Après une année de tests effectués par le gouvernement, en partenariat avec les fournisseurs d'accès Internet australiens, le ministre des Télécommunications, Stephen Conroy, a réaffirmé, le 15 décembre 2009, l’intention du gouvernement de faire voter une loi instaurant un filtrage obligatoire de sites jugés « inappropriés ». La décision de bloquer l’accès à un site ne serait pas prise par un juge, mais par une autorité administrative, l'ACMA (Australian Communications and Media Authority). Cette procédure, sans décision judiciaire, n'est pas satisfaisante au regard d'un Etat de droit : l'ACMA classe les contenus en secret, au terme d’une décision administrative unilatérale et arbitraire qui décide de la liste noire à filtrer. Le filtrage viserait la classification de contenus RC (refused classification), déjà adoptée par les médias traditionnels, et s’appliquerait donc à des contenus qui n’ont rien à voir avec l’intention affichée par les autorités de lutter contre la pédopornographie, la diffamation ou les droits d’auteur. Le risque de surblocage est évident : des sujets comme l'avortement, l'anorexie, la législation sur la vente de marijuana, ou les aborigènes risqueraient donc d'être filtrés. Tout comme des articles de presse ou des informations à caractère médical faisant référence à ces sujets. Alors que le gouvernement a annoncé que le filtrage serait efficace à 100%, une annonce contestée par des experts, le site Wikileaks a révélé la liste de sites filtrés qui n'avaient rien de répréhensible, comme des liens YouTube, des jeux de poker, des réseaux gay, des pages Wikipédia, des sites chrétiens, etc. Un projet de loi impopulaire Alors qu’un vrai débat national s’imposait sur le sujet, Stephen Conroy a rendu la discussion très difficile, en qualifiant ses critiques de partisans de la pédopornographie. Un sondage 2009 de Fairfax Media, réalisé en décembre 2009 auprès de 20 000 Australiens, a montré que 96% d’entre eux sont fortement opposés à ce projet de loi. L’entreprise américaine Google a également émis de fortes réserves, expliquant que ce système de filtrage "est abusif et soulève de véritables questions quant aux restrictions de l’accès à l’information". Des centaines de sites Internet australiens ont participé les 28 et 29 janvier à une journée nationale « Internet Blackout » pour protester contre cette mesure. L’annonce de l’introduction prochaine de ce projet de loi intervient alors que le gouvernement actuel a mis un terme au programme lancé par le gouvernement précédent, qui procurait des systèmes de filtrage gratuits pour les familles australiennes. Par ailleurs, les contenus pédopornographiques sont déjà interdits par le Broadcasting Services Act de 2000. L’Australian Broadcasting Authority est habilitée à demander aux fournisseurs d’accès du site concerné d’en bloquer l’accès. La législation antiterroriste conduit déjà à de graves atteintes à la confidentialité des correspondances privées. Depuis 2001, la loi permet à l’ACMA d’intercepter tout courrier e-mail suspect et de mener des enquêtes en l’absence d’autorisation judiciaire préalable. L’anonymat en ligne en danger dans l’Etat d’Australie de Sud Au niveau fédéral, la loi australienne garantit aux internautes le droit de publier des commentaires anonymes. Ce n’est pas toujours le cas au niveau local. En vertu de nouveaux amendements à la loi électorale de l’Etat d’Australie du Sud, les commentaires sur les sites d'actualité parlant des élections locales prévues pour le 20 mars devront être signés du vrai nom de leur auteur, sous peine de se voir infliger une amende de 1 250 à 5 000 dollars australiens (850 à 3 400 euros). Les sites sont tenus de conserver pendant six mois toutes les informations permettant d'identifier un internaute qui a écrit sur le site.
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Updated on 20.01.2016