Assassinat d’un journaliste en Sibérie : la piste professionnelle doit être sérieusement examinée

Le corps du journaliste Dmitri Popkov a été retrouvé criblé de balles à Minoussinsk, en Sibérie, dans la soirée du 24 mai 2017. Reporters sans frontières (RSF) appelle à une enquête complète et impartiale qui examine sérieusement la piste professionnelle.

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Dmitri Popkov, co-fondateur et rédacteur en chef du journal local Ton-M, a été retrouvé mort le 24 mai dans la soirée à Minoussinsk, en Sibérie. Une enquête a été ouverte pour déterminer les causes de l’assassinat du journaliste de 42 ans, abattu de neuf balles par une arme avec silencieux. Le comité d’enquête local a déclaré vouloir examiner toutes les pistes, y compris la piste professionnelle.


“Nous prenons acte de l’ouverture d’une enquête. Au vu des activités sensibles du journaliste et du climat d’intolérance envers les voix critiques à Minoussinsk, la piste professionnelle doit être sérieusement examinée. Une enquête complète et impartiale est indispensable pour briser le cercle vicieux de l’impunité dont bénéficient trop souvent les assassins et agresseurs de journalistes russes”, déclare Johann Bihr, responsable du bureau Europe de l’est et Asie centrale de RSF.


Le journal Ton-M a été créé en mai 2014 après le limogeage de Dmitri Popkov du conseil municipal en raison de sa condamnation pour avoir frappé un adolescent diabétique. Condamnation contestée par l’intéressé, qui n’a cessé de dénoncer une provocation destinée à le punir pour son opposition aux autorités locales. Avec pour slogan “nous écrivons sur ce que les autres taisent”, le journal a été impliqué dès ses débuts dans la vie politique locale, dénonçant des affaires de corruption et d’abus de pouvoir. Il avait notamment publié des informations sur le cas d’une ancienne fonctionnaire de Minoussinsk condamnée pour fraude.


En mai 2017, Dmitri Popkov faisait partie des signataires d’un appel destiné à l’Union régionale des journalistes dénonçant la violation des droits des médias par les autorités locales. Cela faisait suite aux déclarations du maire de Minoussinsk, qui promettait de porter plainte auprès du procureur, accusant des journalistes non-accrédités d’avoir eu un comportement “provoquant“ lors de la session du conseil municipal du 5 mai, “gênant” ainsi le travail des députés. Les journalistes ont en retour dénoncé un durcissement des conditions d’attribution des accréditations.


Cet incident intervient dans un contexte plus général de défiance et d’intolérance croissante de la part des fonctionnaires et élus locaux vis-à-vis des journalistes. Un décret en date du 16 mai 2017 régulant les entrées dans les bâtiments de l’administration municipale place par exemple dans la même liste de personnes interdites d’accès les journalistes non-accrédités, les toxicomanes et les alcooliques.


L’assassinat du journaliste Dmitri Popkov est le deuxième depuis le début de l’année après celui de Nikolaï Androuchtchenko, mort à Saint-Pétersbourg le 19 avril dernier des suites d’une violente agression. Il était connu notamment pour ses enquêtes sur la corruption des élites locales et le crime organisé.


La Russie occupe la 148e place sur 180 au Classement mondial 2017 de la liberté de la presse, publié par RSF. L’organisation dénonce la pression croissante des autorités sur les médias indépendants, la reprise en main d’Internet ainsi que le règne de l’impunité chronique des assassins et agresseurs de journalistes en Russie.


Publié le
Updated on 30.05.2017