Assassinat d’un journaliste à Benghazi, le chaos sécuritaire continue d’affecter les acteurs de l’information libyens

Reporters sans frontières condamne l’assassinat du jeune journaliste et activiste libyen, Tawfiq Faraj Ben Saoud, survenu dans la soirée du 19 septembre 2014 à Benghazi, dans l’est du pays.

Vers 21h30 le 19 septembre, au milieu de la rue Al-Wikalat dans le quartier d’Al-Fuwayhat situé dans l’ouest de Bengahzi, un 4X4 noir Huyndai de modèle Santa Fe s’est approché du véhicule dans lequel Tawfiq Faraj Ben Saoud se trouvait alors qu’il rentrait chez lui. Des hommes armés ont alors criblé de balles sa voiture. Sami Al-Kawafi, ami du journaliste qui se trouvait également à bord du véhicule, a été tué sur le coup, tandis que Tawfiq, grièvement blessé, était transporté à l’hôpital où il a succombé à ses blessures peu de temps après. Le troisième passager, Mohamed Bouszriba, - qui se trouvait sur le siège arrière - a été épargné. Tawfiq Faraj Ben Saoud, âgé de seulement 18 ans, présentait le programme “‘Ishah bi Jawuha” (Vis ta vie) sur les ondes de la radio privée et populaire Libyana Hits. Il avait fondé, avec Sami Al-Kawafi, l’organisation de défense des droits de l’homme locale Al-Rahma (Mercy Foundation). Les deux jeunes hommes étaient connus pour leurs prises de positions publiques contre la mouvance terroriste, participant et organisant des manifestations condamnant les exactions de groupuscules extrémistes. RSF est particulièrement choquée et indignée par ce nouvel et tragique assassinat dans une Libye décidément gouvernée par “la loi de la terreur”, où les acteurs de l’information sont pris pour cibles alors qu’ils rapportent les réalités d’un pays en proie au chaos. Un tel environnement pousse nombre d’entre eux à fuir la Libye. Depuis juin 2014, Reporters sans frontières a recensé plus d’une vingtaine d’exils de journalistes libyens. Ainsi, la violence prive de plus en plus la population d’un accès à une information équilibrée et objective. Les actes d’intimidations continus, les risques de plus en plus accrus d’assassinats et l’exil en tant que nécessité de force majeure, ont rendu l’accès à une information juste, équilibrée et objective de plus en plus difficile et complexe. La couverture des événements devient un vrai parcours du combattant. Selon deux amis proches du journaliste, Tawfiq avait commencé à recevoir des menaces depuis un mois. L’une de ses connaissances lui avait alors conseillé de fuir la Libye au plus vite, au motif que le “Conseil de la Shoura des révolutionnaires de Benghazi” aurait dressé une “liste noire” de personnes à abattre, avec de nombreux noms de journalistes et activistes libyens, dont Tawfiq. Le “Conseil de la Shoura des révolutionnaires de Benghazi”, créé en juillet dernier dans le but de contrer l’offensive du Général Khalifa Haftar lancée le 16 mai 2014 à l’est du pays, rassemble une alliance de diverses milices islamistes extrémistes. Suite aux troubles politico-sécuritaires et aux intenses affrontements armés survenus ces derniers mois à Tripoli et Benghazi, le nouveau Parlement avait déclaré le 28 août dernier que “les groupes qui se prénomment ‘Aube de la Libye’ et le ‘Conseil de la Shoura des révolutionnaires de Benghazi’ étaient des groupes terroristes, hors-la-loi et combattant la légitimité de l’Etat.” RSF rappelle que tous les groupes armés en présence se doivent impérativement de respecter le statut civil des professionnels des médias imposé par les Conventions de Genève. Comme l’a récemment rappelé l’organisation américaine de défense des droits de l’homme Human Rights Watch, en cas de non-respect des lois de la guerre, et notamment lorsque certaines violations graves sont commises dans un but criminel, ceci peut constituer un crime de guerre. Les individus commettant de tels crimes ou ayant une responsabilité de commandement peuvent faire l'objet de poursuites par des tribunaux nationaux ou par la Cour pénale internationale (CPI), qui a compétence sur les crimes de guerre, crimes contre l'humanité et génocide commis en Libye depuis le 15 février 2011, en vertu de la Résolution 1970 adoptée par le Conseil de sécurité des Nations Unies le 26 février 2011.
Publié le
Mise à jour le 20.01.2016