Arrêt des poursuites contre Elena Bondar

Reporters sans frontières prend acte de l’arrêt des poursuites contre Elena Bondar (voir ci-dessous). Convoquée au service des douanes de l’aéroport de Tachkent (capitale) le 5 septembre 2011, la jeune journaliste indépendante a été informée que le comité d’experts chargé d’étudier le contenu de son matériel électronique n’y avait pas trouvé de contenu problématique, et qu’aucune charge n’était retenue contre elle. De même, les procédures au civil ouvertes pour non-respect des procédures douanières ont été abandonnées au profit d’un simple “avertissement”. Le directeur du bureau d’enquêtes des services douaniers, Iakoub Mirzarakhimov, l’a prévenue qu’à l’avenir, il ne “faudrait pas compter sur notre clémence”. Son matériel lui a été rendu. L’organisation est soulagée de cette décision, mais s’interroge néanmoins sur les raisons de ce revirement. “Selon toute vraisemblance, les autorités ont jugé qu’un avertissement était suffisant dans cette affaire. Les poursuites entreprises constituent déjà un fort signal d’intimidation à l’égard de tous les jeunes journalistes désireux de se lancer dans l’information indépendante et à tous ceux qui suivent les séminaires de l’OSCE”. ------------------------------------------------------------------------------------- 29.08.2011 Ouverture d’une enquête contre Elena Bondar Une semaine après son interpellation à l’aéroport de Tachkent, la journaliste indépendante ouzbek Elena Bondar fait l’objet d’une procédure au civil. Son matériel professionnel a été envoyé pour “examen” à un organe de censure. “La saisie des données de la journaliste constitue déjà une violation grave du secret des sources. Les accusations dont elle fait maintenant l’objet révèlent les vieux réflexes d’un régime d’oppression qui vise un contrôle absolu de l’information”, a déclaré Reporters sans frontières. A nouveau interrogée durant trois heures le 27 août 2011, Elena Bondar s’est vu signifier qu’elle était poursuivie au titre d’un article du code des procédures douanières et d’un article du code civil, pour ne pas avoir déclaré en douane quatre clés USB, trois CD et deux cassettes vidéos qui lui ont été saisis. Elle risque à ce titre une amende. Ces supports doivent être transmis à la Commission d’experts sur l’information et les communications de masse, dernier né des organes de surveillance des nouveaux médias (voir ci-dessous), pour vérifier s’ils ne contiennent pas d’”atteinte à l’ordre constitutionnel”, de propagande “religieuse, extrémiste, séparatiste, intégriste et interdite”. Ces chefs d’inculpation relèvent du code pénal et sont passibles de lourdes peines de prison. Connaissant la propension des autorités à y assimiler toute sorte de publication indépendante, Reporters sans frontières se déclare très inquiète. Elena Bondar avait était interpellée le 22 août 2011 à l’aéroport de Tachkent, au retour d’une formation sur le journalisme organisée par l’OSCE. Son matériel de travail avait été confisqué. Elle a dû s’engager à ne pas quitter le pays jusqu’à la fin de la procédure judiciaire. --------------------------------------------------------------------------------------- 25.08.2011 L’Ouzbékistan renforce encore son contrôle d’Internet et durcit la répression Alors que Reporters sans frontières vient d’apprendre la création d’une nouvelle structure officielle chargée de contrôler les médias, l’organisation dénonce une escalade extrêmement préoccupante dans la volonté de contrôle de l’information manifestée par les autorités ouzbèkes. “Le pouvoir contrôlait déjà directement l’ensemble de la presse écrite et des médias audiovisuels traditionnels, et avait expurgé Internet de la plupart des sources d’information indépendantes d’Asie centrale. Mais cela ne suffit plus pour Tachkent, qui est passé ces derniers mois à une offensive générale visant particulièrement les nouveaux médias. Elargissement démesuré du blocage d’Internet faisant figure de test grandeur nature, renforcement du dispositif de surveillance de l’information et arrestations, concrétisent une politique concertée. D’abord prises de court par le ‘printemps arabe’, les autorités montrent qu’elles ont pris toute la mesure de l’enjeu et s’attachent à renforcer leurs moyens de réplique. Cruel aveu, au moment où nul mouvement de protestation ne semble pour l’instant les menacer”, a déclaré Reporters sans frontières. Le 5 août dernier, le Conseil des ministres d’Ouzbékistan a approuvé la création d’une “Commission d’experts sur l’information et les communications de masse”, chargée de suivre l’activité des médias du pays. Ces “experts” sont tous fonctionnaires d’Etat. La fonction de ce nouveau comité est purement répressive: il s’agit de traquer les publications susceptibles d’”influencer par des informations destructrices et négatives la conscience sociale des citoyens”, d’attenter aux “traditions culturelles nationales”, “appelant à un renversement violent de la structure constitutionnelle”, “à la haine”, etc. Un accent tout particulier est mis sur les nouveaux médias et, chose encore inédite, sur “les systèmes satellitaires”, faisant peser de lourdes menaces sur les chaînes d’information étrangères, largement captées dans le pays grâce aux antennes paraboliques. “L’Ouzbékistan prendrait-il le chemin effarant suivi par son voisin turkmène? Il y a une semaine, le président de ce régime totalitaire a en effet ordonné une restriction drastique du nombre d’antennes paraboliques, sous prétexte qu’elles ‘gâchent l’apparence des bâtiments’”. Mais outre ce nouveau champ d’action, la nouvelle “Commission d’experts” ne fait que renforcer le dispositif de surveillance déjà très élaboré mis en place par les autorités ouzbèkes. D’après ses statuts, il semble qu’elle soit surtout destinée à analyser et interpréter les résultats du contrôle permanent opéré par le Centre de surveillance des communications de masse, de manière à en tirer des enseignements et des propositions de loi. Mais avant tout, ce nouvel organe souligne certainement la volonté politique claire et affichée de prévenir toute contestation sur Internet. Dans la droite ligne des déclarations officielles qui se sont multipliées ces derniers mois pour condamner les “forces destructrices” et la “campagne de provocation contre l’Etat ouzbek” sur le Net. Cette volonté s’est manifestée de manière éclatante par un blocage d’une ampleur inédite il y a deux semaines. Le 9 août dernier, à la veille du début du “Festival d’Internet du domaine national UZ”, consacré au 20e anniversaire de l’indépendence de l’Ouzbékistan, plus d’une cinquantaine de sites majeurs, notamment des portails d’information étrangers comme ceux du New York Times, Reuters, Bloomberg, Lenta.ru, mais aussi le moteur de recherche Google, le site de Reporters sans frontières ou des adresses telles que sovsport.ru (consacré à l’information sportive), ont été bloqués. La plupart d’entre eux sont cependant redevenus accessibles après trois jours. Tandis que rien ne changeait pour tous les sites d’information indépendante ou d’opposition ouzbeks, bloqués depuis longtemps. Des sites basés au Kazakhstan, au Kirghizistan et au Tadjikistan ont aussi été touchés par les mesures de censure des autorités ouzbèkes. “La décision du gouvernement de lancer, le 1er septembre prochain, son propre réseau social national, moloqot.uz (‘Dialogue’, en français), est un autre signe préoccupant de la politique de surveillance des internautes dans le pays”, a par ailleurs déclaré Reporters sans frontières. Le 19 août, lors d’une conférence de presse organisée avec Ouzbektelekom, il a été clairement formulé que la création de ce réseau social national était liée à une volonté de formation “morale” des citoyens ouzbeks, pour contrer l’utilisation de sites et réseaux sociaux étrangers. Facebook compte aujourd’hui 82,220 utilisateurs en Ouzbékistan, que le gouvernement souhaiterait pouvoir surveiller, en les incitant à adopter Moloqot. Certains services de téléphonie mobile, comme Beeline ou Sharktelekom, sont suspectés de coopérer avec la censure. L’utilisation de proxies ou de VPN se développent conséquemment parmi les internautes, soucieux de préserver leur sécurité face à une recrudescence d’arrestations abitraires. Selon des sources convergentes, des contributeurs du forum populaire Arbuz.com auraient ainsi été interpellés il y a quelques mois pour leurs commentaires en ligne sur les révolutions arabes. Saida Kurbanova, une militante des droits de l’homme, a été interpellée le 15 août pour la publication sur Internet, en mars dernier, d’un article critiquant l’obligation faite aux citoyens d’utiliser un système de cartes de crédit délivrées par l’Etat. Elle serait visée par une plainte pour diffamation. Le 22 août encore, la journaliste indépendante Elena Bondar a été interpellée à son retour d’un séminaire de formation organisé par l’OSCE au Kirghizstan. Elle n’a été relâchée qu’après la saisie des CD, clés USB et autres enregistrements vidéos en sa possession, sous prétexte qu’ils n’avaient “pas été déclarés”. “Bondar commence à se faire un nom dans la presse indépendante, et cette interpellation constitue certainement un avertissement, visant à l’intimider ou à l’encourager à l’exil”, a déclaré à Reporters sans frontières un collaborateur de Uznews. Loin d’être limitée à l’Ouzbékistan, la censure du Net semble se développer dans les pays voisins au point de devenir une priorité régionale. Un sommet informel de l'Organisation du traité de sécurité collective, comprenant l'Arménie, le Bélarus, le Kazakhstan, le Kirghizistan, l'Ouzbékistan, la Russie et le Tadjikistan, s'est tenu le 12 août à Astana. Selon le quotidien russe Kommersant, "les participants (au sommet, ndlr) se sont mis d'accord sur la nécessité de faire de l'organisation une barrière efficace contre tout risque de contagion révolutionnaire dans cet espace postsoviétique". Reporters sans frontières s’inquiète de la tentation croissante dans la région de réagir par la cybercensure, et appelle les membres de l’OTSC à revoir leur position à ce sujet : “comme l’ont réaffirmé l’Organisation des Nations Unies, l’Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe, l’Organisation des Etats américains et la Commission africaine sur les droits de l’homme et le droit des peuples, dans une déclaration commune de leurs rapporteurs spéciaux sur la liberté d’expression, le 1er juin 2011, l’accès à Internet est un droit universel. Le printemps arabe ou la sécurité nationale ne doivent en aucun cas être utilisés comme prétexte à la censure”, a rappelé l’organisation.
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Updated on 20.01.2016