Arrestations en série : le Tibet est chaque jour un peu plus isolé du monde

Au cours des dernières semaines, la répression des autorités chinoises à l’encontre des acteurs de l’information tibétains s’est intensifiée. Trois écrivains qui sont aussi des sources régulières d’information pour les observateurs extérieurs au Tibet ont été arrêtés sous le prétexte d’avoir “mené des activités politiques visant à détruire la stabilité sociale et diviser la mère patrie chinoise”. “Chaque arrestation de Tibétains qui tentent d’informer leurs pairs et le monde de la situation dramatique du Tibet plonge un peu plus la région dans l’isolement. Les autorités chinoises tentent de faire du Tibet un trou noir de l’information. Elles doivent immédiatement mettre un terme à ces détentions arbitraires et libérer les prévenus dans les plus brefs délais. Nous appelons la communauté internationale à condamner avec vigueur ces arrestations”, à déclaré Reporters sans frontières. “Rien ne peut justifier de rester silencieux face à ces violations flagrantes de la liberté de l’information, pas même le ‘respect de la souveraineté’ chinoise que Pékin brandit sans cesse pour répondre aux critiques à l’encontre de sa politique répressive et discriminatoire à l’encontre des Tibétains”, à ajouté l’organisation. Tharpa, un Tibétain en exil, a confié à Reporters sans frontières avoir appris de sources locales, que le 12 octobre dans l’après-midi, la police a procédé à l’arrestation du moine Kalsang Choedhar du monastère Palyul sur le marché de Sog (est du Tibet). Accusé d’avoir diffusé des informations sur l’accroissement de la répression par les autorités chinoises dans le comté de Driru, depuis environ deux semaines, Kalsang Choedhar est actuellement détenu au secret dans un lieu inconnu. Son téléphone lui a été confisqué. Des centaines de moines tibétains du monastère de Palyul se sont réunis devant des locaux gouvernementaux dans le comté de Palyul et devant un poste de police pour réclamer la libération de Kalsang Choedhar. Les autorités ont affirmé que le moine aurait déjà été transféré dans la région de Chamdo La veille, l’écrivain tibétain Tsultrim Gyaltsen a été arrêté par la police à Khardrong, dans la province de Driru, avant que son associé Yulgyal ne soit arrêté un jour plus tard. Les deux jeunes hommes, de 27 et 25 ans ont été accusés de “mener des activités politiques dont le but était de détruire la stabilité sociale et diviser la mère patrie”. Leurs lieux de détention et états de santé sont toujours inconnus à l’heure actuelle. Tsultrim Gyaltsen, également connu sous le pseudonyme de “Shokdril”, s’est vu confisqué ses affaires personnelles incluant son ordinateur, son téléphone et ses livres lors d’une perquisition par les membres de la sécurité chinoise qui se sont présentés à son domicile vers une heure du matin selon des témoins. Tsultrim Gyaltsen, un ancien moine, auteur de deux ouvrages sur le Tibet et ancien rédacteur en chef du magazine en tibétain The new generation, Yulgal, est un ancien officier du bureau de la Sécurité. Il avait démissionné en raison de la “nature politique” de son travail. Ces méthodes d’arrestation et de détention ne sont pas sans rappeler le cas de Lobsang Namygal, poète tibétain détenu secrètement depuis plus d’un an après avoir été arrêté le 15 mai 2012 par la police chinoise. Sa famille est restée sans nouvelle de lui jusqu’en mars 2013 lorsqu’elle a appris qu’il était probablement détenu à la prison de Chengdu, tout en ignorant les motifs de cette détention. Lobsang Namygal n’a eu le droit ni de recevoir de visite, ni de disposer d’un avocat. Ce n’est qu’en septembre dernier que la détention du jeune poète au centre de Chengdu a été officiellement confirmée, de même que son interdiction de recevoir toute visite. Les autorités chinoises lui reprochent la publication, interdite en Chine, des discours du Dalai-Lama ainsi que des écrits politiques sensibles relatifs au Tibet. Cet employé du Buddha Cultural Centre de Chengdu (Sichuan), également connu sous le pseudonyme “Sangming” est l’auteur d’un livre de poèmes relatant ses opinions et arguments en faveur de l’indépendance du Tibet. En 2008, à l’occasion des jeux olympiques de Pékin, il avait été arrêté et détenu pendant un an suite à des manifestations à Lhasa. La situation des acteurs de l’information est préoccupante en Chine, et particulièrement dans la province du Tibet, où toute critique à l’encontre du pouvoir chinois est sévèrement sanctionnée. Le journaliste français Cyril Payen avait notamment été la cible des autorités suite au documentaire “7 jours au Tibet” diffusé sur France 24 en mai dernier. Il avait été directement menacé par les employés de l’ambassade de Chine en Thaïlande, alors que la chaîne avait été sommée de retirer le documentaire de son site internet. La Chine fait partie des “Ennemis d’Internet” et se classe au 173ème rang sur 179 au classement mondial 2013 de la liberté de la presse établi par l’organisation.
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Mise à jour le 20.01.2016