Arrestations arbitraires et actes de torture: les autorités bahreïnies ne reculent devant rien pour étouffer les contestations au Bahreïn

A la veille du grand rassemblement de Tamarod prévu le 14 août 2013, Reporters sans frontières s’inquiète de la recrudescence des exactions à l’encontre des acteurs de l’information: arrestations et mauvais traitements sont le quotidien de ceux qui entendent couvrir les manifestations, contrant ainsi la volonté des autorités bahreïnies de dire que tout va bien sous le soleil de Manama. On est toujours sans nouvelles d’un cameraman arrêté le 2 août dernier.

“Les autorités entendent imposer un blackout de l’information sur les manifestations du 14 août prochain en incarcérant des net-citoyens et en empêchant l’accès du pays aux journalistes et activistes des droits de l’homme. Elles n’ont pas hésité à arrêter de manière arbitraire des acteurs de l’information, privés d’accès à un avocat et sans qu’aucune charge n’ait été officiellement retenue contre eux. Nous demandons leur libération immédiate et inconditionnelle”, a déclaré Reporters sans frontières.

Depuis la fin du mois de juillet 2013, au moins deux blogueurs, deux photographes et un cameraman ont été arrêtés au Bahreïn. Et la liste n’est malheureusement pas exhaustive. Selon plusieurs sources contactées par Reporters sans frontières, la police aurait procédé à ces arrestations pour les empêcher de couvrir le rassemblement du 14 août 2013.

Mohamed Hassan, blogueur, a été arrêté à son domicile, à deux heures du matin, par des agents de sécurité masqués, le 31 juillet 2013. Son ordinateur et son téléphone ont été confisqués. Dans la même journée, le photographe Hussain Hubail a été arrêté alors qu’il s’apprêtait à quitter l’aéroport international de Manama. Tous deux ont été transférés à la prison d’El-Hod El-Gaf, sans qu’aucun chef d’inculpation n’ait été retenu contre eux. Pendant plusieurs jours, ils n’ont pu contacter ni leur avocat, ni leur famille. Ce n’est que le 7 août dernier qu’ils ont pu s’entretenir avec un avocat, avant d’être présentés devant le parquet. Ils sont accusés “d’être membres du réseau des médias du 14 Février”, “d’appeler et de participer à des manifestations illégales”, “d’inciter à la haine contre le régime”, et “d’entretenir des relations avec des opposants bahreinis en exil”.

Mohamed Hassan a témoigné des actes de torture dont il a été victime durant sa détention. Il déclare avoir été frappé au dos, au bas-ventre, sur les mains et avoir subi des électrocutions. On l’aurait également obligé à signer des documents sans pouvoir prendre connaissance de leurs contenus. Hussain Hubail a quant à lui été contraint de rester debout pendant trois jours, tout en faisant l’objet de coups de poings et pieds, et d’insultes.

Depuis 2007, Mohamed Hassan publie sur son blog des articles traitant des droits de l’homme et de la politique au Bahreïn. Ce n’est pas la première fois qu’il est la cible de la répression du régime en raison de son travail de journaliste. En juin 2012, il avait été interpellé pour ses écrits dans des journaux locaux sur l’opposition bahreinie ainsi que pour son blog. A noter qu’il a arrêté de poster des articles sur son blog depuis le 29 avril 2013.

Hussain Hubail est photographe freelance et a travaillé pour l’Agence France-Presse, Voice of America ainsi que d’autres médias. En mai 2013, il a reçu le prix du journal indépendant Al-Wasat pour sa photo sur des manifestants pris dans un nuage de gazs lacrymogènes.

Suite à l’arrestation des deux acteurs de l’information, d’autres individus ont été interpellés sous les mêmes chefs d’inculpation,“participation au réseau des médias du 14 Février” et “incitation à la haine contre le régime”.

Ainsi, le cameraman freelance, Qassim Zain Aldeen, a été arrêté le 2 août 2013 à son domicile avant d’être transféré dans un lieu de détention inconnu. Jusqu’à ce jour sa famille n’a pas été informée des charges retenues contre lui. Qassim Zain Aldeen, qui publie des articles pour plusieurs portails d’information locaux, avait été détenu pendant six mois en 2012.

Ahmed Al-Fardan, photographe pour les agences Demotix et Sipa, a été arrêté par des agents de police en civil, le 8 août 2013, dans un café à l’ouest de Manama. Il a été frappé et menacé de mort s’il ne coopérait pas et ne livrait pas les photos des manifestants. Ahmed Al-Fardan a été libéré quelques heures plus tard, mais souffrirait de plusieurs blessures. Il est le lauréat du prix de photographie de Freedomhouse 2012.

Par ailleurs, le 7 août 2013, l’avocat de Mohamed Hassan, Abdul Aziz Mousa, a été arrêté à son domicile par les services de sécurité, et son ordinateur confisqué pour avoir publié sur son compte Twitter le nom des accusés, les charges retenues contre eux et les actes de torture dont ils ont été victimes. Selon le procureur général, les charges retenues contre lui sont “la publication sans autorisation du nom des défendants et la divulgation des secrets de l’enquête”.

En parallèle de cette vague d’arrestations, les autorités ont empêché un journaliste et une militante des droits de l’homme d’entrer sur le territoire bahreïni. Le 7 août 2013, le reporter d’Al-Jazeera English, Hyder Abbasi, a été empêché de prendre son vol pour le Bahreïn au départ de Doha, en raison de sa qualité de journaliste. Deux jours plus tard Maryam Al-Khawaja, présidente par intérim du Centre bahreini pour les droits de l’homme (BCHR), a été informée par les autorités britanniques que le gouvernement du Bahreïn lui interdisait l’accès au territoire.

Cette escalade dans la répression des internautes et activistes bahreinis intervient quelques jours après les recommandations formulées par l’Assemblée nationale en faveur d’un renforcement des peines contre les usagers des réseaux sociaux qui “oeuvrent à véhiculer les opinions de l’opposition ou participent à toute activité jugée illégale par le gouvernement”.
Publié le
Updated on 20.01.2016