Ali Bongo en visite à Paris : Lettre au président Nicolas Sarkozy

Le 19 novembre 2009, à la veille de l'entretien, à Paris, entre le président Nicolas Sarkozy et son homologue gabonais, Ali Bongo, Reporters sans frontières a adressé un courrier au chef de l'Etat français pour lui demander d'évoquer la question de la liberté de la presse avec son interlocuteur. Voici le texte de la lettre : Monsieur Nicolas Sarkozy
Président de la République française
Palais de l'Elysée Paris – France Paris, le 19 novembre 2009 Monsieur le Président, Vous vous entretiendrez, demain, avec votre homologue gabonais, Monsieur Ali Bongo. Reporters sans frontières souhaite vous exprimer sa forte préoccupation concernant la situation de la liberté de la presse au Gabon et vous prie de bien vouloir évoquer ce sujet avec votre interlocuteur. En effet, neuf médias viennent d'être sanctionnés par le Conseil national de la communication (CNC) gabonais, qui les accuse d'être des "relais tous azimuts de la rumeur publique", par le biais d'articles "versant dans la division ethnique, l’injure et la calomnie". Nous estimons pour notre part que ces sanctions ne visent qu'à punir des formes d'expression pluraliste. Visiblement, les nouvelles autorités ne tolèrent pas que les résultats de la récente élection présidentielle soient commentés ni que des membres du gouvernement ou du parti au pouvoir soient critiqués. Le 12 novembre, en réponse à une question sur cet incident, le porte-parole du ministère des Affaires étrangères et européennes s'est contenté de déclarer : "Nous rappelons l'importance que la France attache au principe de la liberté d'expression. C'est l'un des principes fondamentaux de toute démocratie." Cette affirmation nous paraît insuffisante. La liberté de la presse n'est pas qu'un principe, et la France devrait, par votre voix, demander au Président gabonais de mieux la respecter. La sanction à l'encontre des neuf médias n'est que le dernier incident d'une inquiétante série. Dans la foulée de l'élection présidentielle du 30 août, que la presse a eu des difficultés à couvrir librement, plusieurs journalistes ont été inquiétés. Parmi eux, le directeur du quotidien L'Union, Albert Yangari, a été interpellé pendant plusieurs heures, le 25 septembre. Le même jour, le caricaturiste Patrick Essono, dit "Pahé", a été arrêté par la police pendant près de quarante-huit heures. Enfin, des menaces de mort très explicites ont été adressées au journaliste de L'Union, Jonas Moulenda, auteur de l'enquête intitulée "Je reviens de Port-Gentil", dénonçant le rôle des militaires dans la répression des manifestations post-électorales. Pendant quarante et un ans, Omar Bongo a dirigé le Gabon sans laisser la presse respirer. Nous estimons qu'il est du devoir de la France de convaincre son successeur, Ali Bongo, de faire le choix du changement. C'est pourquoi nous vous serions reconnaissants de bien vouloir insister auprès de lui sur la nécessité de protéger les professionnels des médias et de laisser place à la critique. Confiant dans l'attention bienveillante que vous accorderez à notre demande, je vous prie d'agréer, Monsieur le Président, l'expression de ma très haute considération. Jean-François Julliard
Secrétaire général Photo : Nicolas Sarkozy et Ali Bongo (AFP/Eric Feferberg)
Publié le
Updated on 20.01.2016