Affaire Merah : Laissez les médias faire leur travail !

Reporters sans frontières regrette vivement la réaction répressive et disproportionnée des autorités françaises suite à la diffusion, par TF1, d’extraits de la conversation entre Mohammed Merah et les agents du RAID lors du siège de l’appartement du tueur de Toulouse, en mars 2012. L’organisation dénonce les méthodes mises en oeuvre, à savoir la réquisition effectuée auprès de la société de production de l’émission “Sept à Huit”, et la convocation devant le Conseil de l’audiovisuel (CSA) des dirigeants des chaînes qui ont diffusé des extraits. “Une fois de plus, le principe de la protection des sources est mis en danger en dépit de la loi du 4 janvier 2010. Nous soutenons sans réserve la société de production d’Emmanuel Chain, Elephant et Cie, qui a refusé de livrer aux enquêteurs les bandes des enregistrements. Rappelons que la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH) a encore récemment condamné la France pour violation du secret des sources, dans une affaire où les autorités françaises avaient cherché à découvrir l’origine de fuites dans le cadre d’une enquête”, a déclaré Reporters sans frontières. Le 9 juillet 2012, l’Inspection générale de la police nationale (IGPN) s’est présentée au siège d’Elephant et Cie, qui produit l’émission “Sept à Huit” sur TF1, pour réquisitionner les bandes complètes des enregistrements, dans le cadre de l’enquête ouverte pour violation du secret de l’instruction. La veille, la chaîne en avait diffusé de courtes séquences, mais elle affirmait posséder plus de quatre heures d’enregistrements. “Nous comprenons parfaitement l’émotion des proches des victimes de Mohammed Merah, a poursuivi l’organisation. Mais malgré toute son importance, la ‘place des victimes’ ne saurait faire obstacle au droit à l’information, dans une affaire qui suscite à ce point l’intérêt général. A chaque média de juger, en toute responsabilité, s’il faut ou non rediffuser des extraits de la conversation entre Mohammed Merah et les agents du RAID. Les retransmettre n’a en tous cas rien d’illégitime.” “Les extraits diffusés par TF1 ont une valeur informative indéniable : c’est la première fois que le siège de l’appartement de Mohammed Merah est montré d’un point de vue autre que la version officielle. Les enregistrements permettent de mieux cerner le profil du tueur et d’invalider les thèses “conspirationnistes” qui circulaient ces derniers temps. Contrairement à ce qu’allègue le CSA, ils ne contiennent aucun élément qui porterait atteinte à la mémoire des victimes. Pas plus qu’ils ne mettent en péril l’enquête en cours, comme le souligne Christophe Bigot, avocat au Barreau de Paris.” “Sur le plan législatif, cet incident rappelle, s’il était encore besoin de le faire, la nécessité d’amender la loi sur le secret des sources et de préciser dans quel cadre des exceptions sont acceptables. Nous prenons acte des déclarations en ce sens du gouvernement, et nous espérons qu’il agira vite. Il y a urgence. Nous avons déjà exprimé notre inquiétude quant à l’usage abusif des réquisitions, insuffisamment encadrées par la loi. Les derniers rebondissements de l’affaire Merah illustrent en outre la difficulté pour la presse de couvrir les affaires judiciaires en France. Il est temps d’abandonner le délit de ‘recel de violation du secret de l’instruction’, qui limite démesurément le droit à l’information en contradiction avec l’article 10 de la Convention européenne des droits de l’homme”, a conclu l'organisation. (Crédit: AFP Photo / France 2)
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Updated on 20.01.2016