Adoption d'une loi sur la presse encore trop répressive

Reporters sans frontières regrette l'adoption par l'Assemblée nationale tchadienne, le 18 août 2010, du projet de loi sur le régime de la presse réintroduit au début du mois par le gouvernement. L'organisation demande au président de la République, Idriss Déby, de ne pas promulguer ce texte. "Personne n'est dupe, les autorités tchadiennes prétendent avoir effectué une avancée majeure en proposant la dépénalisation des délits de presse mais les peines de prison pour les journalistes n'ont pas disparu puisqu'elles sont supprimées d'un côté et réintroduites de l'autre. S'il entre en vigueur après promulgation par le chef de l'Etat, ce texte placera une épée de Damoclès sur la tête des journalistes et des médias tchadiens. Le gouvernement reprend d'un côté ce qu'il donne de l'autre", a déclaré l'organisation. Le 18 août, une nouvelle loi sur la presse a été adoptée par l'Assemblée nationale à 82 voix pour, 2 voix contre et 11 abstentions. Celle-ci supprime les peines de prison pour les délits de presse (diffamation et injures) ainsi que le délit d'offense au chef de l'Etat, figurant dans l'ancienne loi. Mais des peines d'emprisonnement de six mois à un an, des amendes de 100 000 à 1 million de francs CFA (150 à 1 500 euros) ainsi que des suspensions de parution de six mois sont introduites pour des "crimes" comme l'incitation à la haine raciale ou ethnique et l'apologie de la violence. "Cette dernière disposition n'est pas assez claire et laisse la place à des interprétations extensives qui peuvent se retourner contre les journalistes", estime Reporters sans frontières. "Nous avons fait un pas en avant et trois pas en arrière, a confié à Reporters sans frontières le président de l'Association des Editeurs de la presse privée au Tchad, Michaël Didama. Nous avons de vives inquiétudes au sujet de l'article 47 et suivants – sur l'incitation à la haine raciale ou ethnique et l'apologie de la violence – car ils peuvent nous renvoyer en prison." Le ministre de la Communication et porte-parole du gouvernement, Kedalla Younous Hamid, estime pour sa part que la nouvelle loi est "équilibrée". "Elle dépénalise les délits de presse et responsabilise en même temps les journalistes. C'est une avancée pour la démocratie", a-t-il commenté. Autre son de cloche pour le directeur de publication de Ndjamena Bi-Hebdo, Jean-Claude Nekim : "L'introdution de la nouvelle peine de suspension de parution des journaux est une condamnation à mort pour la presse." En juin, l'Assemblée nationale avait rejeté le texte en première lecture. Lire le communiqué de Reporters sans frontières en date du 4 juin 2010 .
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Mise à jour le 20.01.2016