Adoption de la loi contre l'homophobie : une atteinte à la liberté d'expression

Le Sénat a définitivement adopté, le 22 décembre, le projet de loi qui prévoit la création d'une Haute Autorité de lutte contre les discriminations et pour l'égalité (HALDE). Les associations qui militent contre le sexisme et l'homophobie pourront désormais porter plainte pour injure ou diffamation, si elles sont déclarées « depuis au moins cinq ans ». En alignant la répression des injures et diffamations en matière de sexisme et d'homophobie sur celle du racisme et de l'antisémitisme, cette nouvelle loi les rend passibles de prison. Reporters sans frontières considère que cette loi va à l'encontre de la loi du 15 juin 2000 qui supprimait les peines de prison pour la plupart des délits de presse. - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - Création d'un nouveau délit de presse 8 décembre 2004 Reporters sans frontières déplore le vote intervenu dans la nuit du 7 au 8 décembre 2004 à l'Assemblée nationale. Le gouvernement, à la faveur du débat sur la création d'une Haute Autorité contre les discriminations, a en effet réussi à faire adopter des dispositions qui portent gravement atteinte à la liberté d'expression, en établissant notamment de nouveaux motifs de condamnation à des peines de prison pour délit presse. Pour y parvenir le gouvernement a procédé à un véritable tour de passe-passe. Face aux critiques qui avaient été adressées à son projet initial visant à réprimer les propos homophobes (notamment par la Commission nationale consultative des droits de l'homme), le garde des sceaux l'avait retiré mais en avait repris l'essentiel sous forme d'amendements. Si, à l'occasion d'une seconde lecture (le Sénat débattra à nouveau le 22 décembre), les parlementaires ne prennent pas conscience de la gravité de la situation et ne reviennent pas sur leur vote, la nouvelle législation serait à contre-courant de la loi du 15 juin 2000 qui supprimait les peines de prison pour la plupart des délits de presse. Elle serait à contre-courant du mouvement qui s'est développé depuis dans le même esprit, sous l'impulsion de l'Union européenne, et qui conduit des Etats à se doter de législations plus respectueuses de la liberté d'expression. La France pourrait-elle être maintenant un contre-exemple, provoquant un coup de frein ou même des retours en arrière ? Cette législation serait également à contre-courant de la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'homme dont les décisions se fondent davantage sur le principe de la liberté d'expression (affirmé par le premier alinéa de l'article 10 de la Convention européenne des droits de l'homme) que sur les restrictions à ce principe (qui font l'objet du second alinéa). Tout en partageant la préoccupation du gouvernement et de tous les démocrates de lutter contre toutes formes de discriminations, Reporters sans frontières réaffirme que c'est par la liberté de s'exprimer et la liberté de débattre, et non par la répression, qu'une société progresse vers la tolérance et le respect de la dignité de chacun.
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Mise à jour le 20.01.2016