Acharnement politique contre le directeur de la chaîne publique en Gambie

A la veille de l’élection présidentielle, pour laquelle Yahya Jammeh se représente pour la 5e fois, des journalistes ont été arrêtés et poursuivis pour des charges abusives. Reporters sans frontières (RSF) s’inquiète notamment de l’acharnement judiciaire contre Momodou Sabally, ancien directeur général de la Gambia Radio and Television Services (GRTS), et Bakary Fatty, journaliste détenu arbitrairement depuis près d’un mois.

Le président Yahya Jammeh avait prévenu la presse, il ne tolérerait aucune critique autour du scrutin présidentiel qui doit se tenir le 1er décembre, pour lequel il brigue un 5e mandat. Les menaces ont été suivies d’effet puisque deux journalistes ont déjà été arrêtés. Des arrestations qui répondent clairement à des griefs politiques personnels du président autocrate.


Le 8 novembre, le directeur général de la Gambia Radio and Television Services (GRTS), Momodou Sabally a été démis de ses fonctions et arrêté dans la foulée par les services de renseignements gambiens (National intelligence Agency, NIA) avec un des journalistes de la rédaction Bakary Fatty. Trois jours plus tard, l’ex-directeur était présenté devant une cour de justice et accusé de faits remontants à 2014, alors qu’il était ministre des Affaires présidentielles. Il avait pourtant reçu en 2015 un pardon présidentiel pour ces faits.


Comparaissant le 29 novembre à la Haute Cour de Banjul, Momodou Sabally a refusé de plaider coupable.


Bakary Fatty est lui toujours détenu depuis trois semaines, en toute illégalité, et sans avoir accès à son avocat. Aucune charge connue n’est à ce jour retenue contre lui. La période légale de garde à vue en Gambie est de 72 heures.


En effet, il semblerait qu’un choix éditorial de la GRTS ait déplu au pouvoir. Quelques jours avant la double arrestation, la GRTS avait diffusé un sujet sur la coalition de l’opposition, qui, pour la première fois, a réussi à s’unir derrière un candidat unique et mobilisateur Adama Barrow. Un reportage qui est venu remplacer un sujet prévu sur un événement organisé par la Première dame.


“Outre l’illégalité des méthodes employées, ces arrestations et procès arbitraires sont le fruit d’un acte politique délibéré visant à contrôler le principal média public à quelques jours du scrutin, déclare Cléa Kahn-Sriber de Reporters sans frontières. Le président envoie ainsi un message menaçant, un acte de censure de la télévision nationale”.


D’autres éléments dénotent la paranoïa ambiante qui règne en Gambie vis-à-vis des médias. Un photographe Alhagie Manka s’est fait arrêter et détenir du 10 au 16 novembre pour avoir pris des photos des jeunes du parti, sans accréditation... Et le 9 novembre, le jour de la confirmation de la candidature du président sortant, Yunus Salieu, un journaliste du Daily Observer, le journal gouvernemental, était également arrêté et retenu une quarantaine d’heures pour avoir pris des photos avec son téléphone portable. Les services de sécurité ont craint qu’il ne les envoie sur les réseaux sociaux où sévit une campagne animée contre le président sortant.


La Gambie occupe la 145è place sur 180 pays dans le Classement 2016 pour la liberté de la presse établi par Reporters sans frontières.

Publié le
Mise à jour le 01.12.2016