Acharnement judiciaire contre les acteurs de l’information bahreïnis

Reporters sans frontières condamne fermement la condamnation, le 28 avril 2014, du photographe Hussain Hubail et du cyberactiviste Jassim Al-Nuaimi à une peine de cinq ans de prison ferme. Sept autres militants ont également été condamnés à des peines similaires. “Les condamnations à de lourdes peines de prison ferme pleuvent sur les acteurs de l’information au Bahreïn. Loin des caméras et de l’attention de la communauté internationale, les autorités bahreïnies renforcent leur répression à l’encontre de la liberté de l’information et de ses acteurs. Il est temps que ces parodies de justice et cet acharnement prennent fin. Nous appelons une nouvelle fois à la libération de l’ensemble des journalistes et cyberactivistes détenus,” s’indigne Lucie Morillon, responsable du Département Recherche et Plaidoyer de l’organisation. Photographe freelance pour de nombreux médias, parmi lesquels l’Agence France-Presse et Voice of America, Hussain Hubail a été arrêté le 31 juillet 2013 à l’aéroport international de Manama alors qu’il partait à l’étranger. Transféré à la prison d’El-Hod El-Gaf, il n’a pas pu contacter son avocat ni sa famille pendant plusieurs jours. Le 21 août 2013, il a finalement été accusé “d’appartenir au réseau des médias du 14 Février”, “d’appeler et de participer à des manifestations illégales”, “d’inciter à la haine contre le régime”, et “d’entretenir des relations avec des opposants bahreinis en exil”. En détention, Hussain Hubail a déclaré avoir été victime de mauvais traitements et d’actes de torture. Allégations qui n’ont fait l’objet d’aucune enquête indépendante de la part des autorités bahreïnies. Le 15 décembre 2013, dix organisations de défense des droits humains, parmi lesquelles RSF, ont saisi le Rapporteur spécial des Nations unies sur la promotion et la protection du droit à la liberté d’opinion et d’expression, Frank La Rue, ainsi que le Rapporteur spécial sur la torture et autres traitements cruels, inhumains ou dégradants, Juan Méndez, afin de leur demander d’enquêter sur l’arrestation, la détention et les actes de torture de trois acteurs de l’information bahreïnis, notamment Hussain Hubail. Souffrant de problèmes respiratoires et de douleurs dans la poitrine, Hussain Hubail a été hospitalisé quelques jours mi-mars à l’hôpital pénitentiaire Salmaniya. Photographe de renom, il a reçu en mai 2013 le prix du journal indépendant Al-Wasat pour sa photo sur des manifestants pris dans un nuage de gazs lacrymogènes. C’est également le 31 juillet 2013 que Jassim Al-Nuaimi a été arrêté à son domicile par des agents des forces de sécurité masqués en civil. Il a quant à lui été accusé d’avoir utilisé les réseaux sociaux pour “inciter à la haine contre le régime” et “appeler à des rassemblements illégaux”. Le 3 août 2013, il a été transféré à la prison de Dry Dock, avant d’être présenté devant un procureur. Il déclare avoir été contraint de signer des aveux forcés et d’avoir été victime de mauvais traitements et d’actes de torture. Au cours de l’audience du 27 janvier dernier, il a déclaré qu’il n’était pas au Bahreïn au moment des faits qui lui sont reprochés. Il a également ajouté avoir vendu son ordinateur avant les faits, et ainsi ne pas pouvoir être à l’origine des messages incriminés. Reporters sans frontières rappelle que trois autres acteurs de l’information bahreïns ont été condamnés depuis début 2014. Le photographe Abdullah Salman Al-Jerdabi, arrêté le 13 septembre 2013, a été condamné le 22 janvier 2014 à six mois de prison pour “participation à une manifestation illégale” et “mauvaise utilisation des réseaux sociaux” ( misuse of social networks”). Le 8 avril 2014, le blogueur Ali Maaraj a été condamné à une peine de deux ans et demi de prison ferme pour “insultes au roi” et “mauvaises manipulations des technologies d’informations”. Quant au photographe Ahmed Humaidan, il a été condamné le 26 mars dernier à une peine de dix ans de prison. Il a été officiellement poursuivi pour avoir attaqué le commissariat de police de Sitra le 8 avril 2012, alors qu’il n’était pas sur les lieux à ce moment là. La situation de la liberté de l’information est plus que préoccupante au Bahreïn. Le pays figure à la 163e place (sur 180) du classement 2014 de la liberté de la presse.
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Mise à jour le 20.01.2016