2 tués, 3 disparitions, 7 arrestations, 2 expulsions... la liste des violations de la liberté de la presse ne cesse de s'allonger

LIBYE

Alors que le Conseil de sécurité des Nations unies a voté le 17 mars dernier la résolution 1973 autorisant le recours à la force afin de protéger les civils, le régime de Mouammar Kadhafi et ses partisans n’ont pas mis fin à leurs exactions. La chasse aux journalistes étrangers continuent à l’est comme à l’ouest du pays, sans épargner leurs confrères libyens. Alors quatre journalistes sont actuellement détenus et trois autres portés disparus, un blogueur libyen a été tué par un tir de sniper le 19 mars dernier à Benghazi. Reporters sans frontières exhorte les autorités libyennes à cesser ses violences contre l’ensemble des professionnels de l’information. Mohamed Al-Nabbous, journaliste et blogueur libyen plus connu sous le diminutif Mo, a été victime d’un tir de sniper, le 19 mars 2011, à Benghazi, alors qu’il couvrait en direct les événements. A la suite du blocage d’Internet dans le pays, il avait fondé la chaîne de télévision en ligne Libya AlHurra, émettant par satellite. Mohamed Al-Nabbous est le second journaliste à perdre la vie en Libye depuis le début du conflit. Le 12 mars dernier, un cameraman qatari d’Al-Jazeera Ali Hassan Al-Jaber, avait trouvé la mort dans une embuscade alors qu’il rentrait à Benghazi. Un de ses confrères a été blessé. En outre, le 19 mars 2011, la chaîne Al-Jazeera a annoncé que quatre de ses journalistes avaient été arrêtés par les forces gouvernementales de Mouammar Kadhafi. D’après la chaîne, il s’agit d’Ahmed Vall Ould el-Dine (Mauritanien) et Lotfi Messaoudi (Tunisien), ainsi que de deux photographes Ammar Al-Hamdane (Norvégien) et Kamel Al-Tallou (Britannique). Les journalistes, entrés dans le pays via la frontière tuniso-libyenne, couvraient la bataille de Zawiya (ouest de la capitale) entre insurgés et forces pro-Kadhafi. L’Agence France-Presse a quant à elle indiqué être sans nouvelles de deux de ses journalistes, Dave Clark (38 ans) et Roberto Schmidt (45 ans), depuis vendredi 18 mars dans la soirée, alors qu’ils se trouvaient dans la région de Tobrouk, à l’est du pays. Ils “avaient fait part vendredi soir dans un courriel de leur intention de se rendre samedi matin à une trentaine de kilomètres de Tobrouk, pour y rencontrer des opposants au régime du leader libyen Mouammar Kadhafi et recueillir des témoignages de réfugiés fuyant les combats”, a indiqué l’AFP dans un communiqué de presse. Ils étaient accompagnés d’un photographe, Joe Raedle, de l’agence Getty images. Par ailleurs, les quatre journalistes du New York Times, arrêtés le 15 mars dernier, ont été libérés. Ils se trouvent actuellement à l’ambassade de Turquie à Tripoli et devraient quitter le pays dans les prochaines heures via la Tunisie. D’après les informations du Comité de protection des journalistes, six journalistes libyens, connus pour leurs prises de position critiques, n’ont pas donné signe de vie depuis le début des événements dans le pays. D’après l’organisation, de nombreux bruits courent selon lesquels ils seraient actuellement détenus par les forces armées de Mouammar Kadhafi.

YEMEN

Le 19 mars, les autorités yéménites ont ordonné aux deux journalistes d’Al-Jazeera de quitter le pays, au prétexte que les intéressés “travaillent illégalement au Yémen”, “incitant à la violence”. Un responsable du ministère de l’Information a déclaré à l’agence de presse officielle Saba que Ahmed Zidan et Abdulhaq Saddah avaient, par leur couverture des manifestations dont le Yémen est le théâtre depuis des semaines, “provoqué le peuple yéménite”. Les deux journalistes ont depuis quitté le pays a confirmé un responsable de la chaîne. Reporters sans frontières rappelle que le11 mars 2010, les autorités yéménites avaient saisi les appareils de transmission de la chaîne ainsi que ceux d’Al-Arabiya, accusées de manquer de neutralité dans la couverture du mouvement de protestation dans le sud du pays à l’époque. Cette décision est intervenue au lendemain de la tuerie sur la place du Changement à Sanaa, qui a fait 52 morts, parmi lesquels le photographe pour le quotidien indépendant Al-Masdar Jamal Al-Sharabi, et plus de 126 blessés. Suite à ce massacre, le rédacteur en chef de l’agence Saba, Nasser Taha Moustafa, a annoncé sa démission en signe de protestation. Quelques jours plus tôt, six journalistes étrangers avaient été expulsés du pays, quatre le 14 et deux le 12. Le 14 mars, avaient été arrêtés puis expulsés Oliver Holmes, resssortissant britannique collaborant régulièrement pour le Wall Street Journal et le Time, Haley Sweetland Edwards, citoyenne américaine collaborant pour le Los Angeles Times et AOL News, Joshua Maricich, freelance pour plusieurs médias parmi lesquels Yemen Times et Portia Walker, britannique collaborant pour Washington Post. Deux jours plus tôt, le journaliste américain Patrick Symmes, de Outside magazine et de GQ Magazine, ainsi que le photographe italien Marco Di Lauro avaient également été visés par une mesure similaire alors qu’ils revenaient de reportage sur l’île de Socotra (http://fr.rsf.org/yemen-les-autorites-commencent-a-s-en-14-03-2011,39785.html).

SYRIE

Depuis le 15 mars 2011, la Syrie est le théâtre de manifestations pour exiger plus de libertés d. Dans différentes régions du pays, des sit-in, marches, rassemblements sont organisés, bravant l’état d’urgence en vigueur depuis 1963. Les autorités syriennes n’hésitent pas à réprimer dans le sang ces aspirations à la démocratie et à arrêter arbitrairement les manifestants. Elles multiplient en outre les mesures de contrôle de l’information, empêchant les journalistes de se rendre sur les lieux de ces contestations. Ainsi, de nombreuses agences de presse internationales ont été empêchées de couvrir les manifestations organisées depuis le 18 mars dernier dans la ville de Deraa (sud de Damas, près de la frontière jordanienne), violemment réprimées par les forces de l’ordre qui ont ouvert le feu sur les manifestants. Bilan à ce jour : cinq morts d’après Human Rights Watch (lire le communiqué en anglais : http://www.hrw.org/en/news/2011/03/20/syria-government-crackdown-leads-protester-deaths). En outre, Reporters sans frontières a appris l’arrestation, dans la nuit du 18 au 19 mars 2011, du journaliste, poète et romancier, Mohammed Dibo, à son domicile d’Al-Annazah, district de Baniyas, au nord-ouest de la capitale, alors même que des manifestations avaient été organisées le 18 dans la journée dans la ville de Baniyas, pour exiger des réformes. Mohammed Dibo écrit pour de nombreux journaux, notamment le journal jordanien Al-Dustour, et sites d’informations, parmi lesquels Al-Waan de l’Association des Arabes rationnels, Bab el Moutawasset (Porte de la Méditerranée) sur les différentes cultures du bassin méditerranéen, Lamp Of Freedom (http://lampoffreedom.com/) ou Shukumaku. Le 16 mars 2011, Mazen Darwich, fondateur du Centre syrien pour la liberté d’expression et les médias, avait été interpellé pendant quelques heures alors qu’il assistait à un sit-in pacifique devant le ministère de l’Intérieur, à Damas, en qualité d’observateur.

BAHREÏN

Alors que la répression continue de s’abattre sur les militants des droits de l’homme, le blogueur Ali Abdulemam, libéré le 22 février 2011 après plusieurs mois de détention (http://fr.rsf.org/maghreb-et-moyen-orient-les-medias-continuent-a-etre-la-23-02-2011,39603.html), a été de nouveau arrêté le 17 mars dernier. Libéré, il est aujourd’hui contraint de se cacher pour éviter une nouvelle arrestation. D’après la BBC, son épouse, très active lors de sa précédente incarcération, refuse désormais de s’exprimer publiquement, par peur de représailles (http://www.bbc.co.uk/news/world-mid...). Ali Abdulemam était l’un des nominés du prix du net-citoyen, remis par Reporters sans frontières, avec le soutien de Google, le 11 mars 2011 au site tunisien Nawaat (http://12mars.rsf.org/fr/). Abdeljalil Al-Singace, blogueur, porte-parole et directeur du bureau des droits de l’homme du mouvement Al Haq pour les libertés civiles et la démocratie, aurait également été arrêté le 17 mars dernier. Détenu en même temps que Ali Abdulemam et 21 autres militants des droits de l’homme et proches de l’opposition, de septembre 2010 à février 2011, il avait déjà été arrêté en 2009 pour avoir prétendument lancé une campagne de déstabilisation contre le gouvernement. Il dénonçait sur son blog (http://alsingace.katib.org) les discriminations à l’égard des chiites, ainsi que l’état déplorable des libertés publiques dans son pays. Par ailleurs, le 20 mars 2011 à 1 heure 30 du matin, le directeur du Centre du Bahreïn pour les droits de l’homme, Nabeel Rajab, a été enlevé par une quarantaine d’individus qui s’étaient introduits à son domicile. Menacé et frappé, il a été relâché plusieurs heures plus tard. Nabeel Rajab avait dénoncé, auprès des médias internationaux, la répression qui sévit dans le pays et dénoncé les “massacres” commis par les forces armées (http://bahrainrights.hopto.org/en/node/3825). La journaliste de CBS, Toula Vlahou, a été visée, le 19 mars dernier, par des forces anti-émeutes alors qu’elle était en voiture avec un collègue. Voir la vidéo où elle interpelle le ministre des Affaires étrangères, Sheikh Khalid ibn Ahmad Al Khalifa Al-Khalifa afin d’obtenir une explication : http://www.youtube.com/watch?v=dpxSPY5ZPCM.
Publié le
Mise à jour le 20.01.2016