14 ans de prison requis contre Makhmadyusuf Ismoïlov

Reporters sans frontières est indignée par le réquisitoire prononcé, le 29 septembre 2011, à l’encontre du journaliste tadjik Makhmadyusuf Ismoïlov (Махмадюсуф Исмоилов). Le procureur d’Acht (Nord) a réclamé la condamnation du journaliste à 16 ans d’emprisonnement en régime sévère, commués en 14 ans après l’application d’une récente loi d’amnistie. “Tout dans ce procès s’apparente plus à une vengeance politique qu’au cours normal de la justice. La peine réclamée est hors de toute proportion avec les chefs d’accusation pesant contre M. Ismoïlov. Un verdict d’une telle sévérité constituerait un tournant dans l’histoire récente du Tadjikistan et porterait un coup très sévère à une liberté d’expression déjà extrêmement fragile”, a déclaré l’organisation. “Alors que le journaliste est maintenu depuis plus de dix mois en détention provisoire, l’enquête n’est toujours pas parvenue à prouver de manière convaincante les faits dont on l’accuse. Nous demandons une nouvelle fois la libération immédiate de Makhmadyusuf Ismoïlov et la levée de toutes les charges qui pèsent contre lui.” Arrêté le 23 novembre 2010, le correspondant des journaux Nuri Zindagi et Istiklol est poursuivi pour « diffamation » (article 135 du code pénal), « insulte » (art. 136), « incitation à la haine » (art. 189.2) et « malversation » (art. 250). Les trois premiers chefs d’accusation ont été confirmés il y a deux semaines par une « expertise linguistique » des articles incriminés, dans lesquels le journaliste critiquait le procureur, l’ancien adjoint du chef du district d’Acht et d’autres représentants des autorités locales. Ces articles ne dépassaient pourtant aucunement les limites de la liberté d’expression. Par ailleurs, la presse n’a pas été autorisée à assister à l’audience au cours de laquelle ont été communiqués les résultats de cette « expertise », réalisée par un organisme subordonné au gouvernement tadjik. L’accusation de « malversation » se fonde quant à elle sur la plainte d’un membre de la famille d’Ismoïlov travaillant pour l’administration locale, qui aurait fait don au journaliste de vieilles planches que la municipalité n’utilisait plus, avant de se rétracter. D’après le président de l’Association des Journalistes indépendants du Tadjikistan NANSMIT, Nuriddin Karchiboïev, plusieurs témoins attestent de ce don, et la valeur des planches ne dépasse pas une cinquantaine de dollars. La santé du journaliste, placé en isolement, se dégrade. Le 7 septembre 2011, Reporters sans frontières et NANSMIT ont adressé une lettre ouverte au président de la République du Tadjikistan, Emomali Rakhmon, pour lui demander de garantir le droit à un procès équitable et le respect de la présomption d’innocence de Makhmadyusuf Ismoïlov. Les organisations demandaient en particulier la libération conditionnelle du journaliste, l’ouverture d’un complément d’enquête et le dépaysement de l’affaire. Elles n’ont pour l’instant reçu aucune réponse. Reporters sans frontières rappelle que l’Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE), à laquelle le Tadjikistan appartient, promeut des principes stricts en matière de traitement judiciaire des affaires de presse : celles-ci ne doivent pas faire l’objet de condamnations pénales mais seulement civiles, les peines doivent être proportionnées au préjudice subi et ne pas entraver l’activité normale du journaliste, et les personnalités publiques doivent faire preuve d’une plus grande tolérance envers la critique. La prochaine audience, au cours de laquelle sera vraisemblablement prononcé le verdict, se tiendra le 3 octobre prochain.
Publié le
Updated on 20.01.2016