Série d'attaques contre les journalistes au Puntland et au Somaliland

Au cours des deux derniers mois, Reporters sans frontières a dénombré une dizaine d'atteintes contre les journalistes dans la région semi-autonome du Puntland (Nord-Est) et l'Etat autoproclamé du Somaliland (Nord), allant de la détention arbitraire à l'attaque sanglante. L'organisation dresse un bilan alarmant pour la liberté de la presse dans ces deux régions : les exactions se multiplient tandis que la majorité des cas n'ont toujours pas fait l'objet d'une enquête et restent impunis. "Mogadiscio, capitale disputée, en ruines, où deux journalistes ont été tués cet été, et le sud du pays, où sévissent les milices islamistes armées opposées au gouvernement de transition, concentrent la plupart des regards tournés vers la Somalie. Plus au nord, les régions du Puntland et du Somaliland sont également le théâtre d'attaques très violentes à l'encontre des professionnels des médias", a déclaré Reporters sans frontières. "Nous exhortons les autorités locales à stopper l'escalade de la violence en traduisant en justice les auteurs de crimes contre les professionnels des médias. Chaque région doit s'assurer que les journalistes peuvent travailler dans un environnement favorable, sans craindre pour sa sécurité, sans être inquiété ni contraint à l'autocensure", a ajouté l'organisation. Graves violences et impunité dans la région semi-autonome du Puntland Le 22 septembre 2011, Hassan Mohamed Ali, dit "Anteno", reporter de la radio privée Voice of Peace, a été grièvement blessé par balles, au niveau de la poitrine. Trois individus non identifiés lui ont tiré dessus, à bout portant, dans une buvette en face de sa radio, à Bossaso. Le journaliste est dans un état de santé critique et son pronostic vital est engagé. Photo : Hassan Mohamed Ali (Anteno) (barkulan) Une semaine auparavant, le 14 septembre 2011, Horriyo Abdulkadir Sheik Ali, journaliste de la Radio Galkayo, s'est fait, elle aussi, tirer dessus à bout portant, par des individus non identifiés sur le chemin de retour de la radio, à Galkayo. Grièvement blessée par quatre balles tirées à l'estomac, à la poitrine et à la main, la journaliste a été hospitalisée au centre médical de la ville, où elle a été opérée. Le 26 août 2011, les locaux de la radio indépendante Radio Daljir ont été endommagés à la suite d'une attaque à la bombe, ayant blessé un agent de sécurité, à Galkayo. L'année précédente, Abdullahi Omar Gedi, journaliste de Radio Daljir, avait été mortellement poignardé, le 31 août 2010. Reporters sans frontières appelle les autorités du Puntland à prendre les dispositions nécessaires pour remettre à la justice les auteurs de ces attaques extrêmement violentes et pour garantir la sécurité des professionnels des médias. Somaliland : règne de l'arbitraire Victimes d'abus de pouvoir, de violences policières et détenus au bon vouloir des autorités, les journalistes exerçant au Somaliland sont harcelés par la justice, inféodée aux autorités locales. Le 12 septembre 2011, la cour d'appel a ordonné à Abdifatah Mohamud Aidid, rédacteur en chef du journal Saxafi, de payer 700 dollars USD dans un délai d'une semaine. Le 30 avril 2011, le journaliste avait été reconnu coupable de diffamation par la cour régionale d'Hargeisa, à la suite d'une plainte déposée, en janvier 2011, par le ministre des Transports aériens et de l'aviation civile, Mohamed Ashi Abdi. Le quotidien indépendant Waheen est dans le collimateur des autorités depuis plusieurs mois. Le 10 septembre 2011, le journaliste Saleban Abdi Ali, a été sauvagement frappé par l'Unité de Protection Spéciale de la Police du Somaliland (SPU – Somaliland Police's Special Protection Unit), à Hargeisa, puis placé en détention plusieurs heures. Le journaliste essayait de couvrir la cérémonie d'investiture du nouveau ministre de l'Intérieur, Mohamed Nur Aralle. Fait aggravant, illustrant le peu de respect accordé aux journalistes, un agent des forces de l'ordre a justifié ce comportement en évoquant les "articles désobligeants" écrits par le journal sur des officiels du gouvernement. Ahmed Muse Mohamed, lui aussi reporter du journal Waheen, connu sous le nom de "Sagaro", a été arrêté le 5 septembre 2011 au commissariat de police de Buro, dans la région de Togdheer, sans mandat d'arrêt et en dehors des procédures judiciaires, sur ordre du gouverneur de Buro, Yasin Mohamed Abdi. Le journaliste a été présenté devant la justice le 7 septembre 2011 et placé en détention provisoire pour une semaine. Il a bénéficié d'une libération sous caution le 12 septembre et fait toujours l'objet de poursuites judiciaires. Son arrestation est liée à la publication d'un article relatant des disputes entre les officiels du ministère des Sports et les autorités de la région, impliquant M. Yasin Muhamed Abdi. Offusqué par l'article, ce dernier a accusé le journal d'avoir détourné ses commentaires sur la question. D'autres journaux ayant publié les mêmes informations n'ont pas été inquiétés. Le même jour, Ali Ismail Aare, correspondant du journal Waheen dans la région d'Awdal, a été, quant à lui, interpellé, détenu plusieurs heures par les autorités locales, et relâché sans suites judiciaires. Le lendemain, le 6 septembre 2011, Mahad Abdillahi Farah, reporter pour le quotidien Ogaal, basé à Hargeisa, a été placé en détention sept heures, par des officiers attachés au Département d'Investigation Criminel (CID) de Buro. Selon des sources contactées par Reporters sans frontières, six journaux font toujours l'objet de poursuites judiciaires, par la cour régionale d'Hargeisa. Il s'agit de Saxafi, Ogaal, Hatuf, Waheen, Hargeisa Star et Yool. Mogadiscio, ville meurtrière Reporters sans frontières rappelle que deux journalistes ont été assassinés à Mogadiscio, ces deux derniers mois. Il s'agit du cameraman malaisien Noramfaizul Mohd Nor, travaillant pour la chaîne Bernama TV, tué par balles le 2 septembre 2011 et de Farah Hassan Sahal, présentateur de la station privée Radio Simba, tué de trois balles tirées à bout portant devant l’entrée de sa radio, dans le quartier de Bakara Market, à Mogadiscio, le 4 août 2011. Les responsables de ces crimes n'ont toujours pas été traduits en justice.
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Mise à jour le 20.01.2016