Timor oriental : le journaliste Raimundos Oki poursuivi pour avoir révélé un scandale de tests de virginité forcés
La police a ouvert une instruction contre le journaliste après une enquête qu’il a publiée sur des violences sexuelles exécutées contre des jeunes filles sur ordre des autorités judiciaires. Reporters sans frontières (RSF) demande au gouvernement timorais de faire valoir la notion supérieure d’intérêt public en abandonnant les charges qui pèsent sur le journaliste.
Au Timor oriental, tout sujet qui touche à l'Église catholique est particulièrement sensible, comme peut en témoigner Raimundos Oki. Rédacteur en chef de la plate-forme en ligne The Oekusi News, il est accusé d’avoir violé le secret de l’instruction dans une affaire de détention illégale et d’examens génitaux forcés sur des dizaines de jeunes filles mineures. Il a, pour cela, été convoqué le 30 juin dernier par la police scientifique d'enquête criminelle de Dili, la capitale, sur la base de l’article 291 du Code pénal timorais. Il risque six ans de prison.
“L’affaire sur laquelle a enquêté Raimundos Oki est d’une telle sensibilité que la justice ne peut pas brutalement l’accuser d’entrave au secret de l'instruction sans prendre en compte la préoccupation plus large d'intérêt public, avance le directeur du bureau Asie-Pacifique de RSF, Daniel Bastard. Il est parfaitement sain, dans une démocratie mature, qu’un journaliste questionne le fonctionnement des instructions judiciaires. À ce titre, nous demandons au ministre de la Justice, Tiago Amaral Sarmento, d’ordonner l’abandon des charges qui pèsent contre Raimundos Oki”.
L’enquête du journaliste, publiée en juin 2021 dans The Oekusi News, révélait les agressions subies, un an plus tôt, par 30 jeunes filles mineures sur décision d’un procureur. Pendant deux semaines, elles ont été détenues par les autorités de l’enclave d’Oecusse, située dans l’ouest du territoire timorais, avant de subir des examens de virginité contraints et forcés. Ces violences avaient conduit, notamment, à la mort de l’une des jeunes filles des suites d’une infection vaginale.
Des conditions d’incrimination sensibles
Les examens avaient été requis pour fournir des preuves contre un missionnaire américain, Richard Daschbach, condamné en décembre dernier pour le viol d’au moins quatre fillettes. Directeur de l’orphelinat de Topu Honis depuis sa création, en 1991, ce prêtre, aujourd'hui défroqué, et soutien historique de l’indépendance du Timor, jouissait de connexions dans les plus hautes sphères de la hiérarchie catholique comme dans la classe politique locale. Des connexions qui ont rendu encore plus sensible la question de son incrimination.
Dans son enquête, Raimundos Oki a révélé que c’est dans le cadre de cette instruction que le procureur et les forces de police ont ordonné la détention illégale et des examens génitaux pratiqués sur certaines jeunes filles, forcées de passer des “tests de virginité” - quand bien même ces mêmes jeunes filles ont réfuté les actes d’agression par le prêtre pédophile.
Lui-même originaire de l’enclave d’Oecusse, le journaliste affirme avoir voulu pointer les traumatismes durables et irréversibles endurés par les mineures qu’il a interviewées. “Personne n’a donné la voix à ces victimes de tests de virginité, Raimundos Oki a-t-il expliqué auprès de RSF. Si le prêtre est reconnu coupable, qu’il aille en prison ! Mais il est de mon devoir de journaliste de publier cette enquête d’intérêt public, je refuse que ces jeunes filles victimes d’abus sexuels, véritables atteintes aux droits humains, soient laissées pour compte.”
Il y a deux ans, RSF dénonçait déjà un projet de loi au Timor oriental qui visait à rendre condamnable de trois ans de prison toute déclaration portant atteinte à “l’honneur” d’un représentant de l’État ou de l’Église.