La Colombie reste l’un des pays du continent les plus dangereux pour les journalistes. La couverture de sujets liés à l’environnement, aux conflits armés, à la corruption ou à la collusion entre les hommes politiques, les entreprises, les groupes armés illégaux et les mafias les expose systématiquement à du harcèlement, à l’intimidation et à des violences.
Paysage médiatique
Seuls trois groupes de médias sont capables de diffuser dans toutes les régions du pays mal équipées en matière de connectivité. La radio reste le médium le plus répandu, mais les stations indépendantes sont plus fragiles économiquement que celles appartenant aux conglomérats. Plus de la moitié des habitants des capitales départementales s’informent via les sites d’information en ligne et les réseaux sociaux. Bien qu'il existe des médias dans la plupart des départements, l’information locale n'est que très peu traitée dans la majeure partie du pays. La diversité des sources d’information reste insuffisante pour la population.
Contexte politique
En 2022, pour la première fois de son histoire, la Colombie s’est dotée d’un gouvernement de gauche avec une coalition majoritaire. Il reste que l’opposition demeure forte, ce qui entretient à la fois la tension entre les forces politiques et la polarisation au sein de la société. Le gouvernement cherche à contrer les critiques de la presse traditionnelle sur les réseaux sociaux, tandis que de hauts fonctionnaires ont été montrés du doigt pour avoir stigmatisé des journalistes. Des cas antérieurs de surveillance et d'espionnage de journalistes par l'État restent encore sans réponse judiciaire.
Cadre légal
La Constitution de 1991 garantit la liberté d'expression et d'information. Chaque secteur médiatique a sa propre jurisprudence, mais la multiplicité des lois est telle qu'elle prête à confusion. Le gouvernement en fonction de 2018 à 2022 a fait modifier les lois sur la télévision et l'information par le Congrès, tout en s’efforçant à plusieurs reprises de restreindre la liberté de la presse. À chaque période électorale, les autorités limitent la diffusion d'informations relatives à “l'ordre public” à celles confirmées par des sources officielles.
Contexte économique
La plupart des médias régionaux sont cooptés par des fonds du secteur public ou par des entreprises locales, ce qui limite leur capacité critique. Les médias communautaires, indépendants et alternatifs doivent compter avec des sources de financement réduites, tandis que dans la sphère numérique, les revenus publicitaires ont connu une hausse significative, et au moins deux médias indépendants vivent désormais de la contribution économique de leur public. Les sites d’information payants sont en hausse et les médias traditionnels recourent désormais au système d’abonnement. Après la pandémie, certains journaux ont repris leur version papier, mais la pénurie de fournisseurs de papier et la dévaluation rendent les fournitures plus chères.
Contexte socioculturel
Les études alertent sur une désinformation croissante et un désamour pour l’actualité de la part du public, qui considère que les journalistes ont un parti pris. L’extension de la connectivité dans le pays pâtit toujours du scandale de corruption au sein du ministère de la Technologie, de l'Information et de la Communication (Mintic). Dans les régions, les liens persistent entre journalisme, politique et monde des affaires. En outre, les dirigeants nationaux et locaux, ainsi que certaines personnalités influentes ont leur part dans la stigmatisation des journalistes critiques.
Sécurité
La couverture des questions environnementales telles que l'exploitation minière et la déforestation exposent les journalistes à la violence, de même que toutes les questions liées aux conflits armés, aux revendications territoriales, à l'organisation communautaire, aux droits des communautés ethniques ou aux accords de paix. La sécurité des journalistes est également gravement menacée lorsqu'ils couvrent des questions liées à la corruption, à l'expansion des cartels mexicains et aux alliances entre les politiciens, les groupes armés et les entreprises. Les journalistes font l’objet de menaces et de stigmatisation, voire sont assassinés : deux d’entre eux ont été tués en 2022, dont l'un était sous la protection de l'État.