Palestine : Deux ans après le meurtre de la journaliste d’Al Jazeera Shireen Abu Akleh par l’armée israelienne, l’impunité persiste
Deux ans après le meurtre de Shireen Abu Akleh en Cisjordanie, et un an après les excuses d’Israël reconnaissant leur responsabilité, aucune justice n'a été rendue pour la journaliste emblématique de la chaîne Al Jazeera. Reporters sans frontières (RSF) condamne cette impunité et appelle la communauté internationale, et prioritairement les Etats-Unis, à faire pression pour que l’armée israélienne réponde de ses crimes.
Deux années se sont écoulées depuis le crime commis, le 11 mai 2022, par l’armée israélienne contre l’une des journalistes palestiniennes les plus emblématiques de la région.
Quatre mois après que la journaliste d’Al Jazeera Shireen Abu Akleh a été tuée par balle alors qu’elle couvrait un raid en Cisjordanie, une enquête de l'armée israélienne a admis qu'il y avait une "forte probabilité" qu'elle ait été "accidentellement touchée" par des tirs israéliens tout en déclarant n’avoir aucune intention d'engager des poursuites pénales à l'encontre des soldats impliqués. Un an plus tard, en mai 2023, le porte-parole des Forces de défenses israéliennes (FDI), le contre-amiral Daniel Hagari, a déclaré que l'armée était "profondément désolée de la mort de Shireen Abu Akleh". Depuis lors, et malgré plusieurs enquêtes indépendantes prouvant qu’un soldat israélien a tiré sur la journaliste clairement identifiable comme professionnelle de l’information, ce crime reste impuni.
Alors que la journaliste Shireen Abu Akleh avait également la nationalité américaine, le coordinateur américain de la sécurité (USSC) a uniquement visité le site de la fusillade, et n'a pas poursuivi d'enquête indépendante, basant ses conclusions sur celles de l'armée israélienne et de l'autorité palestinienne. Une autre enquête menée par le département de Justice américaine est en cours mais avance très lentement avec un progrès visible.
“Ces deux dernières années ont été très douloureuses pour notre famille et nous ne devrions pas avoir à attendre un an de plus sans justice. Nous sommes sans réponse de la Cour pénale internationale (CPI) devant laquelle nous avons déposé plainte pour qu’elle enquête sur ce crime odieux. Israël refuse toujours de coopérer à l'enquête criminelle ouverte par les Etats-Unis. Des excuses - qui n’en étaient pas vraiment - ne constituent pas une obligation de rendre des comptes. La responsabilité exige des actions. Le journalisme n'est pas un crime, s'en prendre aux journalistes en est un ! L'impunité dont jouit Israël se traduit encore aujourd’hui par l'assassinat et le ciblage d'autres journalistes à Gaza. Nous continuons d'espérer que les États-Unis concluront leur enquête dès que possible et que les responsables de l'assassinat de Shireen - du le soldat qui a appuyé sur la gâchette jusqu'aux plus hauts échelons de la chaîne de commandement - seront tenus de rendre des comptes.
En mai 2022, la famille a déposé une plainte auprès de la CPI. En décembre de la même année, Al Jazeera a également déposé une plainte officielle auprès de la CPI pour crime de guerre, avec le soutien de RSF.
“Le crime odieux commis il y a deux ans contre Shireen Abu Akleh, en toute impunité, est un chapitre important de l'histoire de l'acharnement d'Israël contre la chaîne Al Jazeera, qui vient d’être interdite de diffusion en Israël. Et alors que plus de 100 journalistes palestiniens, dont au moins 22 dans l’exercice de leurs fonctions ont été tués par l’armée israélienne depuis le 7 octobre 2023, le même schéma d’impunité persiste. Un schéma qui met en danger la vie des journalistes partout dans le monde, et le droit du public à une information libre, indépendante, et pluraliste. RSF réaffirme son engagement auprès de la famille de Shireen Abu Akleh et continue de réclamer justice pour tous les journalistes palestiniens tués par l’armée israélienne.
Le 11 mai 2022, Shireen Abu Akleh et ses collègues d'Al Jazeera s'étaient installés près du camp de réfugiés de Jénine, en Cisjordanie, pour couvrir un raid israélien en cours, tout en étant bien en vue de l'armée. Portant manifestement des gilets de presse et des casques attribués aux journalistes, Shireen a été frappée et tuée par un tir bien qu'il n'y ait pas eu d'échange de tirs à ce moment-là dans cette zone, ce qui a immédiatement corroboré l'allégation du meurtre délibéré.
La lutte contre l’impunité des crimes commis contre le journalisme palestinien
Deux ans après sa mort, le journalisme en Palestine est étouffé par les forces israéliennes. Depuis le déclenchement de la guerre à Gaza le 7 octobre, plus de 100 journalistes tués à Gaza, dont au moins 22 dans l'exercice de leur métier. Trois d'entre eux travaillaient pour Al Jazeera, dont les bureaux à Jérusalem-Est ont été fermés, le 5 mai 2024, à la suite d’un vote à l’unanimité du gouvernement israélien.