Non, la liberté de la presse n’est pas entièrement protégée à Hong Kong : RSF réfute, en dix points, les allégations de la Chine
Au cours d’une conférence de presse tenue le lendemain de l'expulsion de Hong Kong d'une représentante de Reporters sans frontières (RSF), une porte-parole du gouvernement chinois a assuré que la liberté de la presse était “pleinement protégée” dans le territoire. RSF remet les pendules à l’heure avec dix faits démontrant la sombre réalité de l’effondrement de la liberté de la presse à Hong Kong.
La liberté de la presse à Hong Kong est “pleinement protégée” depuis la rétrocession du territoire à la Chine il y a un quart de siècle, a assuré la porte-parole du ministère chinois des Affaires étrangères, Mao Ning, lors d'une conférence de presse le 11 avril 2024, en réponse à une question concernant la détention et l'expulsion d'une représentante de RSF à l'aéroport de Hong Kong, la veille.
Détentions de journalistes, fermetures de médias, harcèlement des défenseurs de la liberté de la presse… : RSF démontre en dix faits notables que la liberté de la presse est entravée à Hong Kong.
“Dire que la liberté de la presse est pleinement protégée à Hong Kong est un pur mensonge, qui ne résiste pas à l'épreuve des faits. Ces dernières années, le régime chinois et les autorités de Hong Kong ont mené une campagne sans précédent contre le journalisme indépendant, qui s'est notamment traduite par la fermeture de huit médias et par la poursuite d'un grand nombre de journalistes pour crimes contre l’État. RSF appelle les démocraties à faire pression sur le gouvernement de Hong Kong pour que le droit à l'information soit pleinement rétabli dans le territoire.
Dix faits attestant de la régression de la liberté de la presse dans le territoire
1 - À ce jour, dix journalistes et défenseurs de la liberté de la presse sont détenus à Hong Kong, dont Jimmy Lai, éditeur et lauréat du Prix spécial de la liberté de la presse RSF 2020. Fondateur du journal indépendant Apple Daily, il encourt une peine d'emprisonnement à vie pour “atteinte à la loi sur la sécurité nationale”.
2 - Les quotidiens indépendants Apple Daily et Stand News ont été fermés de force en 2021, tandis que le climat de peur a conduit au moins cinq autres médias à cesser leurs activités. Tout récemment, le média en ligne Radio Free Asia a également annoncé qu'il allait fermer son bureau pour des raisons de sécurité.
3 - Les lois draconiennes sur la sécurité nationale et la sédition représentent une menace constante pour les journalistes. Depuis 2020, au moins 28 journalistes ont été poursuivis pour crimes contre l’État sur la base, entre autres, de la loi sur la sécurité nationale (NSL) imposée par Pékin. Le mois dernier, le gouvernement a aussi adopté la loi “Article 23”, qui transpose dans le droit national les dispositions de la NSL et introduit de nouvelles infractions telles que l'espionnage.
4 - Pour la seule année 2024, les autorités de Hong Kong ont envoyé au moins sept lettres accusant des médias étrangers, dont la BBC, RFA, The Guardian, The Washington Post, The New York Times et Bloomberg, d'avoir publié des articles “trompeurs” sur les nouvelles dispositions relatives à la sécurité nationale introduites par la loi “Article 23”, selon l’Agence France-Presse (AFP).
5 - Le groupe audiovisuel public Radio Television Hong Kong (RTHK) a été placé sous la direction d’un commissaire nommé par le gouvernement. Auparavant réputé pour ses enquêtes sans concessions y compris vis-à-vis des autorités, RTHK a changé de gouvernance, qui depuis censure ouvertement les productions et les archives du groupe.
6 - Les organisations de défense de la liberté de la presse et les associations de journalistes sont harcelées depuis des années. Le président de l'Association des journalistes de Hong Kong (HKJA), Ronson Chan, a été condamné en 2023 à cinq jours de prison pour avoir prétendument fait obstruction à un officier de police, tandis que la HKJA, une association aux revenus très modestes, a récemment reçu l'ordre de payer de manière rétroactive la somme exorbitante de 400 000 dollars hongkongais (environ 50 000 euros) d'impôts.
7 - Un grand nombre de journalistes basés à Hong Kong ont été suivis et surveillés et des centaines d'entre eux ont été contraints à l'exil. Au moins 900 journalistes ont aussi perdu leur emploi en raison de la fermeture des médias indépendants qui les employaient.
8 - Des articles de presse et des éditoriaux sont utilisés comme preuves devant les tribunaux contre les défenseurs de la liberté de la presse et les journalistes. Dans le procès en cours de Stand News, par exemple, 17 articles ont été utilisés comme preuves pour poursuivre deux rédacteurs en chef, qui risquent jusqu'à deux ans de prison pour sédition.
9 - L'année dernière, au moins trois journalistes indépendants ont été interdits d'entrée sur le territoire à diverses occasions. À leur arrivée, les reporters japonais Michiko Kiseki et Yoshiaki Ogawa, ainsi que le reporter américain Matthew Connors, qui ont tous trois documenté les manifestations pro-démocratiques de 2019 à Hong Kong, ont été interrogés sur leurs reportages antérieurs et brièvement détenus, avant de se voir refuser l'entrée sur le territoire sans plus d’explication.
10 - Le territoire de Hong Kong est classé 140e dans le Classement mondial de la liberté de la presse 2023 publié par RSF, alors qu’il occupait la 18e place deux décennies plus tôt. La Chine, pour sa part, est au 179e rang sur 180 pays et territoires évalués.