Alors que le Burkina Faso était considéré jusqu’à récemment comme l’une des réussites du continent africain pour la liberté de la presse, la montée de l’insécurité et l’instabilité politique, liée aux deux coups d’État survenus en janvier et en septembre 2022, ont considérablement dégradé la sécurité et l’accès à l'information des journalistes.
Paysage médiatique
Le Burkina Faso bénéficie d’un paysage médiatique dynamique, professionnel et pluraliste. Le pays compte 80 journaux (Sidwaya, L'Événement, Le Pays), 185 radios (Omega FM), une trentaine de chaînes de télévision (Radiodiffusion Télévision du Burkina, BF1) et 161 sites d’information en ligne (faso.net, Faso 7, Burkina 24). La culture du journalisme d’investigation est plutôt répandue et le premier journal en ligne consacré à l’enquête a été créé début 2023. Néanmoins, la dégradation du contexte politique et sécuritaire entraîne une augmentation de l’autocensure et des pressions. Les chaînes de télévision d’information RFI et France 24 ont été suspendues jusqu’à nouvel ordre, respectivement en décembre 2022 et mars 2023.
Contexte politique
Bien que le libre exercice de la profession de journaliste soit une réalité au Burkina Faso, les autorités ont tendance à privilégier la lutte contre l’insécurité aux dépens de la liberté d’information. En mai 2021, un journaliste français et un réalisateur belge dûment accrédités ont été expulsés du pays alors qu’ils venaient y effectuer un reportage, au motif infondé de “menace à la sûreté de l’État”. Les intimidations envers les journalistes se sont également multipliées. Lors des coups d’État de 2022, les putschistes armés ont filtré les entrées dans les locaux des télévisions nationales et imposé aux journalistes la lecture de leurs communiqués. La junte au pouvoir n'hésite pas à refaçonner le paysage médiatique en suspendant des médias et en expulsant des journalistes, comme les correspondantes du Monde et de Libération en avril 2023.
Cadre légal
La liberté de la presse et le droit à l’information sont consacrés par la Constitution depuis 1991, et le délit de diffamation ne conduit plus à des peines d'emprisonnement. Néanmoins, il reste passible de lourdes amendes pouvant entraîner la fermeture pure et simple des médias concernés. La dégradation de la situation sécuritaire a conduit, en 2019, à une modification du Code pénal, qui criminalise la diffusion d’informations sur les opérations militaires afin de “ne pas porter atteinte au moral des troupes". Il prévoit des peines allant jusqu’à 10 ans de prison et de fortes amendes, alimentant ainsi l’autocensure. De manière générale, l’accès à des informations sur les sujets sécuritaires et militaires est de plus en plus difficile, et les zones dites dangereuses deviennent de véritables zones de non-information.
Contexte économique
Les médias burkinabè évoluent dans un contexte précaire, avec un faible lectorat et peu de publicité. Des difficultés accrues par la crise sanitaire due à la Covid-19, qui a entraîné une réduction drastique de leur distribution et des recettes publicitaires.
Contexte socioculturel
Au Burkina Faso, le sujet le plus sensible reste la religion. Des groupes religieux très actifs surveillent et exercent une pression sur le débat public, constituant une menace pour la liberté d'expression et pouvant entraîner de l’autocensure.
Sécurité
La sécurité des journalistes s’est considérablement dégradée au Burkina Faso ces dernières années. En avril 2021, pour la première fois depuis plus de 20 ans, deux journalistes, de nationalité espagnole, David Beriain et Roberto Fraile, ont été tués alors qu'ils étaient en reportage dans l’est du pays. En mars 2022, une radio au nord du pays a fait l’objet d’une attaque terroriste. Les zones classées comme dangereuses sont très difficiles d’accès. Les violences envers les journalistes se sont également multipliées, qu’elles proviennent des groupes armés ou des autorités. En février 2023, un leader d’un collectif pro-junte a été condamné à deux ans de prison avec sursis pour avoir proféré des menaces de mort contre deux journalistes. Enfin, il n’est pas rare que les professionnels des médias soient violemment menacés et violentés lors de manifestations.