Le Syndicat des journalistes yéménites pris d’assaut par les séparatistes du Sud
Dans la nuit du 28 février 2023, des forces armées affiliées au Conseil de transition du Sud (CTS) ont envahi le siège du Syndicat des journalistes yéménites à Aden, pour y installer un nouveau “Syndicat des journalistes et médias du Sud”. Reporter sans frontières (RSF) condamne avec la plus grande fermeté cette violente prise de contrôle et appelle à la restitution immédiate du siège.
L’assaut s’est déroulé tard dans la soirée du 28 février 2023. Des forces armées affiliées au Conseil de transition du Sud (CTS) ont surgi au siège du Syndicat des journalistes yéménites à Aden et se sont emparés de force du bâtiment. Les personnes et les gardes de nuit qui étaient présents dans le bâtiment ont été expulsés. Le bâtiment est actuellement occupé par un nouveau personnel fidèle au Conseil de transition du Sud (CTS), soutenu par les Émirats arabes unis et qui dispose d'un pouvoir important au sein du gouvernement officiel reconnu par la communauté internationale à Aden.
“La prise de contrôle du siège du Syndicat des journalistes yéménites sous la menace des armes est une grave atteinte à l’intégrité de cette organisation de défense des droits des journalistes et instaure un climat de peur pour les professionnels des médias, s'inquiète le responsable du bureau Moyen-Orient de RSF, Jonathan Dagher. Les armes n'ont pas leur place au sein d’un syndicat de journalistes. Nous demandons au Conseil de transition du Sud de quitter immédiatement le siège du Syndicat des journalistes yéménites et de ne plus porter atteinte à aucune organisation de défense des journalistes ou de la liberté d'expression”.
Suite à cette prise de contrôle, les membres du Syndicat des journalistes et médias du Sud nouvellement créé se sont empressés de retirer l’enseigne du Syndicat des journalistes yéménites sur le bâtiment et l'ont remplacé par le nom de leur nouveau syndicat. Selon les informations recueillies par RSF, le président du Syndicat des journalistes yéménites Mohamad Thabet a été menacé de mort s'il ne quittait pas son poste.
Cette violente prise de contrôle par le Conseil de transition du Sud a suscité de vives réactions au sein de la profession. Dans deux déclarations distinctes, le Syndicat des journalistes yéménites a condamné l’incursion de forces armées dans ses locaux et leur occupation, dénonçant "la terrorisation’’ de son administration et sa “mise sous tutelle par la force militaire pour imposer des agendas qui n'ont rien à voir avec la profession de journaliste."
De son côté, le CTS nie avoir usé de la force armée pour prendre le contrôle du bâtiment. Dans une déclaration envoyée à RSF, le président du Syndicat des journalistes et médias du Sud nouvellement créé, Aidarous Abdullah Bahshwan, estime que le Syndicat des journalistes yéménites est une “entité illégitime” qui a ‘’outrepassé son mandat légal’’, “violé les lois sur les syndicats’’ et aurait failli à ses missions.
“Le bâtiment nous a été remis légalement, sans aucune violence ni interférence de la part des forces de sécurité. Il s'agit d'un bâtiment gouvernemental appartenant à l'État et nous avons été autorisés à le reprendre aux autorités locales”, assure le CTS dans sa déclaration.
Joint au téléphone par RSF, un représentant de la CTS a par ailleurs nié que des menaces aient été proférées à l'encontre du président du Syndicat des journalistes yéménites.
Un membre du Syndicat des journalistes yéménites s'exprimant sous couvert de l’anonymat par crainte de représailles a affirmé à RSF que le bâtiment leur appartenait pourtant.
La reprise en main du siège du Syndicat des journalistes yéménites à Aden par le Conseil de transition du Sud s’inscrit dans le contexte politique de guerre civile qui règne au Yémen depuis 2015 et au sein duquel s’opposent les rebelles chiites Houthis, soutenus par l’Iran, le gouvernement officiel, appuyé par une coalition emmenée par l’Arabie Saoudite et le Conseil de transition du Sud, groupe séparatiste qui a proclamé son autonomie en 2020 et reçoit le soutien des Émirats arabes unis. Les journalistes payent un lourd tribu dans ce conflit. Ils sont la cible de violences et d’exactions de la part des différentes milices et forces armées en présence, sans compter les risques d’enlèvement et d’assassinat. En détention, ils sont victimes de tortures et de mauvais traitements.