" La liberté de l’information, indispensable à la paix en Turquie "
Alors que la question kurde se retrouve à nouveau au coeur d’une actualité turque particulièrement troublée, Reporters sans frontières (RSF) publie ce 15 octobre 2015 un rapport explorant cette thématique et sa relation à la liberté de la presse en Turquie. Ce travail est le fruit de deux missions d’enquête à Istanbul et Diyarbakir, la plus grande ville du sud-est anatolien, à majorité kurde.
Trois mois après la reprise des combats entre l’armée turque et les rebelles kurdes du PKK, et à deux semaines de nouvelles élections législatives, la Turquie est un baril de poudre. Les inconnues politiques et sécuritaires s’accompagnent d’attaques redoublées contre la liberté de la presse. C’est dans ce contexte tendu que RSF publie son enquête intitulée “Problème kurde : la liberté de l’information fait partie de la solution”.
Ce rapport documente l’intensification de la censure et revient sur les espoirs suscités ces deux dernières années par le processus de paix entre le gouvernement et le PKK. Tant que duraient les négociations, les médias ont pu couvrir la question kurde plus librement, parce que le pouvoir le voulait bien. Mais l’absence de reformes de fond et le manque d’indépendance de la justice rendaient très fragile cette tolérance de circonstance et laissaient présager le retour de bâton actuel. D’autant plus que la dérive autoritaire du Problème kurde : la liberté de l'information fait partie de la solution Rapportgouvernement de Recep Tayyip Erdogan s’est accompagnée ces dernières années d’une intolérance croissante à toutes les voix critiques. RSF replace cette analyse dans la longue histoire de tabous et de répression liée à la couverture de la question kurde, qui marque encore profondément la presse turque. Le rapport décrit enfin le difficile travail des journalistes au plus proche du conflit, dans le sud-est anatolien.
IMG 2013-2015 : une tolérance de circonstance“Seules des réformes en profondeur et la démocratisation de la Turquie permettraient de banaliser durablement la couverture de la question kurde, note Johann Bihr, responsable du bureau Europe de l’Est et Asie centrale de RSF. C’est le contraire qui se produit. L’intensification de la censure ne peut qu’accentuer les frustrations et attiser les tensions politiques et communautaires. Il est urgent que les autorités mettent un terme à cette fuite en avant et réalisent que la liberté de l’information, plus que jamais, fait partie de la solution.”
Le rapport souligne à quel point le rôle des médias est crucial aujourd’hui pour témoigner de la situation et permettre le débat démocratique entre les différents segments d’une société hautement polarisée. Mettre des mots sur les problèmes, permettre à toutes les voix de s'exprimer et ouvrir l'espace du débat démocratique sont des conditions essentielles à la paix. En retour, seule la fin du conflit permettrait enfin à l'Etat de se dégager de ses réflexes sécuritaires et paranoïaques, le rendant plus à même de développer une culture de la transparence et de respect des médias. RSF formule dans le rapport des recommandations aux autorités turques, aux institutions judiciaires, aux journalistes et à la société civile.