Iran : “Nous dédions ce prix Nobel à tous ceux qui se battent sous l’étendard ‘Femme, vie, liberté’” déclare le mari de la journaliste Narges Mohammadi
Lors d’une conférence de presse organisée par Reporters sans Frontières (RSF) à Paris, le mari de Narges Mohammadi et leur fils ont exprimé leur fierté à l’annonce de l’attribution du prix Nobel de la paix à la journaliste et militante des droits des femmes. Emprisonnée depuis novembre 2021 dans la prison d’Evin, près de Téhéran, elle continue d’informer sur les exactions commises par le régime iranien.
“C'est le combat de voix qui ne s'éteindront jamais qui est salué. Ce prix leur donne encore plus de force pour continuer à s'exprimer", a souligné Taghi Rahmani, quelques heures après l’annonce du prix Nobel de la paix décerné à la journaliste Narges Mohammadi pour “son combat contre l'oppression des femmes en Iran”. Lors d'une conférence de presse organisée par RSF à Paris, le mari de Narges Mohammadi, aussi journaliste, a ajouté : “C’est symboliquement très important que ce prix soit tourné vers l’Iran, que ce prix aille à une prisonnière, et donc à tous les prisonniers du régime qui constituent une force de résistance importante dans le pays.”
Coupé de tout contact avec sa femme depuis la dernière incarceration de la journaliste le 12 avril 2022, Taghi Rahmani ne sait pas si l’information de son prix est parvenue jusqu’à elle : “Je sais qu’elle sera contente, estime-t-il. Mais ce prix est aussi une responsabilité. Une responsabilité vis-à-vis des Iraniens et des Iraniennes et du combat qu’ils mènent pour leur liberté et leur dignité. Elle est une prisonnière politique, et ce prix l’expose aussi. Elle le sait, elle l’accepte. C'est le prix de la lutte.”
Dans le viseur du régime iranien pour ses écrits et ses combats, Narges Mohammadi a été arrêtée treize fois depuis sa première détention en 1998. En novembre 2021, elle est de nouveau incarcérée, mais elle est libérée temporairement pour raisons médicales le 22 février 2022 avant d’être mise à nouveau derrière les barreaux à peine un mois et demi après, le 12 avril 2022. Depuis sa cellule, elle parvient régulièrement à transmettre des lettres informant le monde des mauvais traitements subis par les détenus. Ce qui lui vaut régulièrement des mesures de représailles de ses geôliers qui lui ont notamment restreint drastiquement ses droits de visites et ses appels. Elle ne peut toujours pas recevoir de coups de téléphone de l’étranger, et donc de ses deux enfants, exilés à Paris.
Le fils de Narges Mohammadi, Ali Rahmani, a rappelé, lors de la conférence de presse ce 6 octobre, qu’il n’a pas vu sa mère depuis huit ans et ne lui a pas parlé depuis plus d’un an. “Je suis très très fière d’elle, et je suis très heureux, a réagi l’adolescent à l’annonce du prix Nobel. Ce prix est aussi pour le combat que nous menons tous en Iran.”
“Comme l'a souligné le mari de Narges Mohammadi, Taghi Rahmani, ce prix, qui récompense le sacrifice et la lutte de la journaliste et militante des droits des femmes, honore également le combat de ses confrères et consoeurs, parmi lesquels les journalistes qui continuent d'informer, depuis la prison et à l'extérieur, sur la situation en Iran. Ce prix est un signal sans appel aux autorités iraniennes : libérez Narges Mohammadi, ainsi que les 19 journalistes toujours derrière les barreaux pour avoir exercé leur métier d’informer.
Aux côtés de son fils, de son avocate Chirinne Ardakani et du secrétaire général de RSF, Taghi Rahmani a dedié “un des prix les plus prestigieux au monde” à “tous les hommes et toutes les femmes qui se battent sous l’étendard Femme, vie, liberté”. Ce slogan accompagne les manifestations populaires en Iran depuis la mort de la jeune Mahsa Amini à la suite de violences policières le 16 septembre 2022. “Nous ne sommes pas dupes. Nous connaissons l'adversaire que nous combattons, un régime qui veut faire taire toute force dissidente, a ajouté Taghi Rahmani. Mais c'est cette lucidité qui nous permet de poursuivre notre combat, avec la société civile, les militants, les avocats et les journalistes.”
L'Iran est l'un des pays les plus dangereux au monde pour les journalistes. Au moins 80 professionnels des médias qui ont couvert le mouvement de protestation ont été arrêtés depuis le 16 septembre 2022, tandis que ceux qui ne sont pas emprisonnés, et même s'ils sont en exil, subissent des pressions extrêmes. L'Iran est classé 177e sur 180 pays dans le classement mondial de la liberté de la presse de RSF.