Algérie : le harcèlement judiciaire à l’égard de Mustapha Bendjama doit cesser
Le journaliste algérien Mustapha Bendjama a été condamné à une amende, assortie d’un dédommagement de la partie civile, pour avoir dénoncé le non-respect des règles anti-Covid. RSF dénonce un nouvel épisode dans le harcèlement judiciaire incessant contre un journaliste qui a fait de l'information juste et du journalisme citoyen son cheval de bataille.
Accusé de “diffamation” et d’“atteinte à l’intérêt national”, le journaliste et rédacteur en chef du quotidien régional Le provincial a été condamné le 16 juillet par le tribunal correctionnel d'Annaba, à une amende de 30 000 dinars (près de 200 euros), assortie d’un dédommagement à la partie civile de 50 000 dinars (environ 330 euros). Son crime : il a révélé un cas patent de non-respect des règles anti-Covid et du confinement obligatoire dans cette ville de l'est de l'Algérie. En mars 2020, Mustapha Bendjama a diffusé une vidéo et un article sur les réseaux sociaux à propos de l’organisation d’un mariage dans une salle des fêtes à Annaba, malgré les mesures strictes de confinement décidées par les autorités. Le wali (sorte de gouverneur) d'Annaba, Djamel-Eddine Berimi, considérant que sa capacité à faire respecter les règles de confinement dans sa ville était visée, a aussitôt porté plainte pour diffamation.
Comme le confirme son avocat Me Adel Messaoudi, Mustapha Bendjama a déjà interjeté appel de cette condamnation qui résulte d’un second jugement du 9 juillet. Le premier jugement de décembre 2021 avait en effet fait l’objet d’une opposition car il s’était déroulé par contumace. Celui-ci avait condamné le journaliste à une peine d’un an de prison ferme, à une amende de 50 000 dinars (environ 330 euros) et à 200 000 dinars (soit près de 1 330 euros) de dédommagement à la partie civile.
"La peine prononcée a beau être plus 'clémente' que celle du premier jugement prononcé par contumace, elle n’en demeure pas moins aberrante. Dans cette affaire, Mustapha Bendjama est puni pour avoir fait son travail de journaliste en révélant un manquement manifeste aux règles sanitaires imposées par les autorités et en alertant sur une situation dangereuse pour la santé publique. Il doit être relaxé dans cette affaire ubuesque et le harcèlement judiciaire dont il fait l’objet doit maintenant prendre fin !
Mustapha Bendjama subit un harcèlement judiciaire incessant en raison de ses activités journalistiques depuis qu’il a commencé à couvrir les révoltes populaires du Hirak en février 2019. II a en effet été arrêté plus d’une dizaine fois pour sa couverture des manifestations à Annaba, la ville dans laquelle il est basé. Les autorités lui reprochent des prises de positions favorables aux manifestants.
Le journaliste est en détention préventive depuis le 19 février dernier à la prison de Boussouf à Constantine dans l’est de l’Algérie dans le cadre de l’affaire “Amira Bouraoui”, du nom de cette opposante au pouvoir qui a quitté le pays malgré une interdiction de sortie du territoire national (ISTN). Mustapha Bendjama est accusé de l’avoir aidée à se rendre à l’est du pays, et de là, à traverser clandestinement la frontière avec la Tunisie. Accusé d’avoir contribué à la rédaction d’un rapport sur la situation des droits de l’homme en Algérie pour le compte d’une organisation non gouvernementale internationale, il est poursuivi, également depuis février, pour "financement étranger" et “publication sur Internet de documents classifiés". La date des procès n’a pas encore été fixée.