Procès Dündar/Gül : le combat de RSF contre la « vindicte autocratique » du président Erdogan

Reporters sans frontières (RSF) sera présent à l’ouverture du procès des responsables de Cumhuriyet Can Dündar et Erdem Gül, le 25 mars 2016 à Istanbul. L’organisation poursuivra son combat en faveur des journalistes turcs tant que le président Erdogan persistera à écraser la presse de sa poigne de plus en plus despotique.

C’est ce vendredi 25 mars que s’ouvre à Istanbul le procès des journalistes turcs Can Dündar et Erdem Gül. Le rédacteur en chef du quotidien Cumhuriyet et son représentant à Ankara risquent la prison à vie pour leurs révélations sur des livraisons d’armes turques à des groupes islamistes en Syrie, révélations cruciales pour toutes celles et tous ceux qui s’intéressent aux répercussions du conflit syrien et au terrorisme. Après trois mois, un arrêt de la Cour constitutionnelle avait mis fin à leur détention provisoire en février, mais le chef de l’Etat turc, Recep Tayyip Erdogan a affirmé qu’il ne respectait pas cette décision.

"Nous sommes sidérés par l’intervention répétée du président Erdogan dans ce dossier."Christophe Deloire

“Le procès de Dündar et Gül est un test pour l’Etat de droit en Turquie, déclare Christophe Deloire, secrétaire général de Reporters sans frontières (RSF). Nous sommes sidérés par l’intervention répétée du président Erdogan dans ce dossier, depuis qu’il a déposé une plainte personnelle démontrant que la procédure relève d’une vindicte autocratique. La remise en liberté conditionnelle de Can Dündar et Erdem Gül était encourageante, mais tout ne fait que commencer : nous appelons le tribunal à abandonner les accusations absurdes portées contre les deux journalistes.”

En savoir plus sur la liberté de la presse en TurquieLire notre dernier rapport

Can Dündar et Erdem Gül sont accusés de “divulgation de secrets d’Etat à des fins d’espionnage”, “tentative de renverser le gouvernement” et “assistance à une organisation terroriste”. Lors de cette audience inaugurale, le tribunal devrait décider si, conformément aux réquisitions du parquet, le procès se tiendra à huis clos et s’il sera fusionné avec un autre dossier regroupant une centaine d’accusés. Deux mesures qui seraient attentatoires aux droits de la défense et au droit à l’information du public.


La mobilisation de RSF


Le 17 novembre, RSF et TV5 Monde remettaient à Strasbourg le Prix de la liberté de la presse 2015 dans la catégorie Médias à Cumhuriyet. Can Dündar et Erdem Gül étaient placés en détention à la prison de Silivri neuf jours plus tard. En privé comme en public, RSF a utilisé tous les canaux de plaidoyer pour faire connaître le sort des journalistes, attirer l’attention sur la spirale répressive en Turquie et mobiliser chancelleries et institutions internationales. En décembre 2015, en présence des représentants d’une quinzaine d’ambassades, RSF lançait à Istanbul un appel soutenu par une quinzaine d’ONG et de nombreuses personnalités (du célèbre journaliste américain Carl Bernstein à l’intellectuel Noam Chomsky en passant par l’économiste Thomas Piketty), et mettait en place une pétition grand public qui a recueilli plus de 30 000 signatures à ce jour.


149è
sur 180 pays
au Classement mondial de la liberté de la presse
L’organisation a multiplié les conférences de presse et les événements, invité à Washington et Paris l’épouse du rédacteur en chef de Cumhuriyet, Dilek Dündar, lancé une campagne de communication, diffusé des prises de position et plaidé la cause des journalistes turcs auprès des dirigeants pouvant exercer une influence : le Conseil de l’Europe, le haut commissariat de l’ONU aux droits de l’homme, l’Union européenne... RSF a mobilisé aussi bien le State departement américain que les chancelleries européennes.


RSF a joint ses efforts à ceux des autres associations turques et internationales de défense de la liberté d’expression (TGC, TGS, IPI, CPJ, FEJ, FIJ, Article19, Index on Censorship, WAN-IFRA, PEN International, AEJ, EJN, SEEMO, DISK Basin-Is) dans le cadre d’une large coalition. Après une mission conjointe en Turquie en octobre 2015, cette coalition avait publié un rapport commun et requis une visite à plusieurs journalistes emprisonnés. Devant le refus des autorités pénitentiaires, des représentants de la coalition, dont l’un de RSF, se sont rendus devant la prison de Silivri en janvier pour une action de protestation et de solidarité avec les journalistes emprisonnés.


Publié le
Updated on 19.05.2016