Mozambique : RSF et plusieurs organisations saisissent l’ONU sur la disparition forcée d’un journaliste depuis trois mois
Reporters sans frontières (RSF) et plusieurs organisations de défense des droits de l’homme et de la liberté de la presse s’adressent aux Nations unies pour demander l’ouverture d’une enquête indépendante et impartiale sur l’inquiétante disparition d’un journaliste dont les proches sont sans nouvelle depuis trois mois.
Où est Ibraimo Mbaruco ? Trois mois après sa disparition le 7 avril dernier et alors qu’il avait précisé dans son dernier message envoyé être “entouré de soldats”, le journaliste de la Radio communautaire de Palma, un village situé dans la province de Cabo Delgado au nord-est du Mozambique, reste introuvable. Du commandement de la police provinciale au procureur de la République du Mozambique, aucune des autorités mozambicaines saisies sur cette affaire n’a fourni la moindre information sur ce qui est arrivé au journaliste. RSF et trois autres organisations viennent de saisir le groupe de travail des Nations unies sur les disparitions forcées ou involontaires.
Alors qu’une enquête a été ouverte par le Service national des enquêtes criminelles (SERNIC), le frère du journaliste a tenté de le joindre sur son téléphone le 8 juin dernier, qui a sonné pour la première fois depuis sa disparition. Ces informations ont été transmises aux enquêteurs qui avaient promis d’identifier la localisation du téléphone. Depuis, aucune information n’a été communiquée à la famille.
En proie à une insurrection islamiste depuis 2017, la province de Cabo Delgado est régulièrement le théâtre d’affrontements entre l’armée et les insurgés qui ont fait plusieurs centaines de morts et des milliers de personnes déplacées. Les autorités empêchent par tous les moyens les journalistes de se rendre sur place pour rendre compte de la situation.
“Le silence des autorités autour de cette affaire est intolérable pour les proches de ce journaliste disparu depuis trois mois, mais nous sommes déterminés à établir toute la vérité afin de savoir ce qui lui est arrivé, déclare Arnaud Froger, responsable du bureau Afrique de RSF. Ce n’est pas la première fois que des journalistes sont malmenés, attaqués, voire arrêtés et détenus au secret dans cette région en proie à une insécurité grandissante ces dernières années. Ibraimo Mbaruco est-il mort ? Qui sont sont les soldats qui l’entouraient lors de sa dernière apparition ? Est-il détenu et si oui, pour quels motifs ? Autant de questions auxquelles les autorités mozambicaines doivent absolument répondre aujourd’hui”.
Dès avril dernier, RSF et 16 autres organisations de défense des droits de l’homme et de la liberté de la presse avaient adressé une lettre ouverte au président de la République, Filipe Nyusi, lui demandant d’ouvrir une enquête approfondie et transparente pour faire toute la lumière sur cette affaire. Ni l’armée, ni les représentants politiques n’ont pour l’instant réagi, et toutes les demandes d’explications sont jusqu’à présent restées sans réponse.
En 2019, deux reporters locaux de la radio et télévision Nacedje de Macomia, Amade Abubacar et Germano Daniela Adriano avaient déjà été détenus par l’armée pendant plusieurs mois en dehors de toute procédure légale. Libérés il y a un an, ils restent poursuivis pour diffusion de messages “portant atteinte aux forces armées du Mozambique”.
Le verrouillage de l’information et les arrestations arbitraires de journalistes dans cette région expliquent en grande partie la chute du Mozambique au Classement mondial de la liberté de la presse ces dernières années. Le pays occupe la 104e place sur 180, sa pire position depuis le premier Classement établi par RSF en 2002.