Inde : RSF appelle à l’abandon de toutes les charges contre trois journalistes libérés sous caution

Deux journalistes du site d’information indépendant NewsClick, et un ancien journaliste du magazine indépendant Kashmir Narrator, tous trois détenus sous le coup de lois antiterroristes, ont obtenu des libérations sous caution devant la justice indienne. Reporters sans frontières (RSF) appelle à l’abandon de l’ensemble des charges qui pèsent contre eux. 

C’est un désaveu cinglant pour les autorités. Trois journalistes indiens, détenus depuis des années ou depuis de longs mois, ont été libérés sous caution ces derniers jours sur décision de justice.

L’éditorialiste Gautam Navlakha et le rédacteur en chef de NewsClick, Prabir Purkayastha, ainsi que l’ancien journaliste du mensuel Kashmir Narrator Aasif Sultan font tous les trois l’objet de poursuites judiciaires sous le coup notamment de lois antiterroristes, en représailles de leurs articles. Si les journalistes sont libérés provisoirement, sous caution, ils restent dans l’attente d’un procès, et risquent toujours d’être condamnés à de lourdes peines. 

“Ces trois journalistes ont été enfermés sous le coup de lois antiterroristes dans des affaires montées de toutes pièces, dans le but de les réduire au silence. Ces lois, qui autorisent des détentions provisoires interminables, sont instrumentalisées par les autorités politiques pour étouffer toute voix critique et créer une atmosphère de peur et d’autocensure parmi les professionnels de médias. RSF demande l’abandon de toutes les charges qui pèsent contre les trois journalistes, et somme le gouvernement indien de ne pas dévoyer les lois antiterroristes, qui sont régulièrement utilisées pour réprimer les journalistes.

Célia Mercier
Responsable du Bureau Asie du Sud

La Cour suprême a accordé le 14 mai la liberté sous caution à l’éditorialiste de NewsClickGautam Navlakha. Incarcéré depuis avril 2020, et inculpé en vertu notamment de la loi antiterroriste Unlawful Activities (Prevention) Act (UAPA), le journaliste qui travaillait notamment sur des sujets relatifs  au  Jammu-et-Cachemire et sur les séparatistes maoïstes avait été assigné à résidence à partir de novembre 2022 en raison de ses problèmes de santé et de son âge. En décembre 2023, il avait été libéré sous caution par la Haute Cour de Bombay, mais l’Agence nationale d’investigation (NIA) avait fait appel de la décision, et sa détention avait alors été prolongée. Désormais libéré sous caution, le journaliste doit toutefois s’acquitter de la somme de 22 000 euros pour rembourser les dépenses liées à son assignation à résidence.

Le lendemain, le 15 mai, la Cour suprême a déclaré illégale l'arrestation du fondateur et rédacteur en chef de NewsClick, Prabir Purkayastha, par la police de Delhi, ainsi que sa mise en détention provisoire depuis le 4 octobre 2023. La Cour a noté qu'une copie de la demande de placement en détention provisoire n'avait pas été fournie à Purkayastha ou à son avocat. Au prétexte de soupçons de financement illégal par des fonds chinois, 46 journalistes liés à NewsClick – un des rares médias indépendants du pays – avaient été ciblés par des descentes de police le 3 octobre 2023 à leurs domiciles. Prabir Purkayastha avait été incarcéré à la suite de cette attaque flagrante contre la liberté de la presse

Quant à Aasif Sultan, journaliste du mensuel Kashmir Narrator - média qui a dû cesser de paraître en 2019 - il s'est vu accorder une libération sous caution, le 10 mai dernier par un tribunal spécial. Le juge Mohammad Syed Shah a déclaré que la police l’avait arrêté Sultan sans raison et qu’“il est innocent et n'a commis aucun délit de quelque nature que ce soit”. Le journaliste avait été libéré le 28 février, après cinq ans d’emprisonnement, puis à nouveau arrêté le 1er mars, alors qu’il venait à peine de retrouver sa famille à Srinagar, capitale du Jammu-et-Cachemire.  Incarcéré lui aussi en vertu de lois antiterroristes, il est devenu le symbole de la répression des journalistes au Jammu-et-Cachemire.

Six journalistes sont actuellement détenus dans le pays, dont cinq sous le coup de lois antiterroristes. L’Inde a basculé, au cours des dix ans de pouvoir de Narendra Modi, de la 140e à la 159e place du Classement mondial de la liberté de la presse établi par RSF. 

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