Méthodologie détaillée du Classement mondial de la liberté de la presse 2024
À compter de l’édition 2022
L’objectif du Classement mondial de la liberté de la presse est de comparer le degré de liberté dont jouissent les journalistes et les médias dans 180 pays ou territoires. La définition de la liberté de la presse retenue par RSF et son panel d’experts pour élaborer son Classement est la suivante :
“La liberté de la presse est la possibilité effective pour les journalistes, en tant qu’individus et en tant que collectifs, de sélectionner, produire et diffuser des informations dans l’intérêt général, indépendamment des interférences politiques, économiques, légales et sociales, et sans menace pour leur sécurité physique et mentale.
Sur la base de cette définition, le questionnaire et la carte de la liberté de la presse se déclinent en cinq volets distincts ou cinq indicateurs (contexte politique, cadre légal, contexte économique, contexte socioculturel et sécurité).
Le Classement est une photographie des territoires au cours de l’année civile précédant sa publication. Toutefois, il est réputé vrai au moment de sa publication. Ainsi, lorsque la situation de la liberté de la presse évolue drastiquement dans certains pays entre la fin de l’année évaluée et la publication, les données sont actualisées pour prendre en compte les événements les plus récents possible. Cela peut être liée à une nouvelle guerre, un coup d’État, une attaque massive contre les professionnels des médias, ou encore à la mise en place d’une politique répressive extrême de façon soudaine.
Le panel qui accompagne la révision de la méthodologie du Classement depuis 2020 compte sept experts :
- Thomas Hanitzsch, chercheur à l’Université Louis-et-Maximilien de Munich au sein du département Etudes sur la communication et recherche sur les médias, spécialisé notamment dans les cultures journalistiques mondiales et la méthodologie comparative ;
- David Levy, chercheur associé et ancien directeur du Reuters Institute for the Study of Journalism, membre du bureau britannique de RSF ;
- Sallie Hughes, professeure au sein du département Management du journalisme et des médias de l’Université de Miami, ancienne journaliste du Miami Herald, du Washington Post et de Maclean’s ;
- Herman Wasserman, professeur d’étude des médias à l’Université de Cape Town et rédacteur en chef de la revue African Journalism Studies ;
- Laura Moore, journaliste, responsable de la recherche et de l’évaluation de la Deutsche Welle Akademie, auteure du livre “Measuring global media freedom” (Springer VS, 2020) ;
- Thibaut Bruttin, adjoint au directeur général de RSF ;
- Blanche Marès, responsable du Classement mondial de la liberté de la presse après Nalini Lepetit-Chella et Prem Samy.
Notation des territoires
Le Classement s’appuie sur un score attribué à chaque territoire, qui peut varier de 0 à 100. Un haut degré de liberté de la presse est associé à un score élevé, et inversement.
Ce score est calculé sur la base de deux éléments :
- un relevé quantitatif des exactions commises envers les médias et les professionnels des médias dans l’exercice de leurs fonctions ;
- une analyse qualitative de la situation de chaque pays, mesurée au travers des réponses de spécialistes de la liberté de la presse (journalistes, chercheurs, universitaires, défenseurs des droits humains…) à un questionnaire proposé par RSF en 24 langues .
Allemand, anglais, arabe, bulgare, chinois (simplifié), chinois (traditionnel), coréen, espagnol, persan, français, grec, hindi, hongrois, indonésien, italien, japonais, mongol, polonais, portugais, roumain, russe, tchèque, turc, ukrainien.
Carte de la liberté de la presse
La carte de la liberté de la presse présente une synthèse visuelle des performances des pays au Classement mondial. Les couleurs sont attribuées en fonction du score, de la manière suivante :
- [85 ; 100 points] : bonne situation (vert) ;
- [70 ; 85 points[ : situation plutôt bonne (jaune) ;
- [55 ; 70 points[ : situation problématique (orange clair) ;
- [40 ; 55 points[ : situation difficile (orange sombre) ;
- [0 ; 40 points[ : situation très grave (rouge sombre).
Critères d’évaluation : cinq indicateurs contextuels
Le score de chaque pays dépend de cinq indicateurs contextuels, qui permettent d'appréhender la liberté de la presse sur un territoire dans sa complexité : contexte politique, cadre légal, contexte économique, contexte socioculturel et sécurité.
Un sous-score est calculé pour chaque indicateur, entre 0 et 100. Ils ont tous un poids égal au sein du score global. Et au sein de chaque indicateur, toutes les questions et sous-questions ont le même poids.
Contexte politique
- 33 questions et sous-questions
Elles visent à évaluer :
- le degré de soutien et de respect de l’autonomie des médias, face aux pressions politiques exercées par l’État ou d’autres acteurs politiques de la société ;
- le niveau d’acceptation d’une diversité d’approches du journalisme répondant à des normes professionnelles, parmi lesquelles des approches alignées politiquement et d’autres indépendantes ;
- le degré de soutien des médias dans leur rôle consistant à demander aux politiques et au gouvernement de rendre des comptes, dans l’intérêt général.
Cadre légal
- 25 questions et sous-questions
Elles visent à évaluer :
- le degré auquel les journalistes et médias sont libres de travailler sans censure ou sanction légale, ni restrictions excessives de la liberté d’expression ;
- les possibilités d’accès à l’information sans discrimination entre journalistes et la capacité à protéger ses sources ;
- la présence ou l’absence d’impunité pour les auteurs d’actes de violence envers des journalistes.
Contexte économique
- 25 questions et sous-questions
Elles visent à évaluer :
- les contraintes économiques liées à des politiques gouvernementales (complexité pour créer un média d’information, favoritisme dans l’accord de subventions de l’Etat, corruption…) ;
- les contraintes économiques liées à des acteurs non étatiques (annonceurs et partenaires commerciaux), notamment la corruption de journalistes ;
- les contraintes économiques liées aux propriétaires des médias, lorsqu’ils défendent leurs intérêts commerciaux.
Contexte socio-culturel
- 22 questions et sous-questions
Elles visent à évaluer :
- les contraintes sociales qui peuvent se traduire par du dénigrement, et les attaques envers la presse basées sur des questions de genre, de classe, d’origine ethnique ou de religion, par exemple ;
- les contraintes culturelles, notamment la pression exercée sur les journalistes pour qu’ils ne remettent pas en question certains pouvoirs ou ne rendent pas compte de certains problèmes parce que cela irait à l’encontre de la culture du territoire.
Sécurité
- 12 questions et sous-questions (⅔ du score sécurité)
Les questions portent sur la sécurité des journalistes. Sur cet aspect, la liberté de la presse est définie comme la capacité à concevoir, collecter et diffuser des informations selon les méthodes et l’éthique du journalisme, sans risque inconsidéré de :
- dommages corporels (homicides volontaires, violences, tortures, arrestations, détentions, disparitions, prise d’otage) ;
- détresse psychologique ou émotionnelle, qui peut venir de l’intimidation, la coercition, du harcèlement, de la surveillance, du doxing (diffusion d’informations personnelles), de discours dégradants ou haineux, de la discréditation publique, d’autres menaces envers les journalistes ou leurs proches… ;
- préjudice professionnel (perte d’emploi, saisie d’équipements ou saccage d’installations par exemple).
- 1 score exactions (⅓ du score sécurité)
Le score exactions est calculé à partir du relevé des exactions commises envers des médias et des professionnels des médias dans l’exercice de leurs fonctions réalisé par RSF, au travers de la fonction suivante :
x est ici la somme pondérée des exactions commises dans un pays l’année civile précédant le classement, rapportée au logarithme décimal de la population :
où :
- pop est la population du pays,
- chaque xi représente le nombre d’exactions d’une catégorie (homicides, agressions, etc.) ;
- chaque ki représente le coefficient associé à cette catégorie ;
- n est le nombre de catégories d’exactions prises en compte ;
- K est un coefficient utilisé comme outil mathématique pour répartir le score des pays de 0 à 100. Il vaut 0,15.
Cette fonction a été choisie pour plusieurs raisons :
- Lorsqu’il n’y a aucune exaction envers des professionnels des médias dans un pays et une année donnés, le score exactions est de 100.
- Lorsque le nombre d’exactions augmente, le score diminue et tend vers 0.
Notre collecte de données
- Les équipes de RSF recensent quotidiennement, et à travers le monde, les violations commises contre les journalistes du fait de l’exercice de leurs fonctions.
- Les données relatives aux otages, emprisonnés, tués et disparus sont actualisées tous les jours sur le baromètre de RSF.
Choix des coefficients
Les coefficients ki établissent une hiérarchie entre les différents types d’exactions. Trois principaux niveaux de gravité sont retenus pour les coefficients :
- Les exactions ne contrevenant pas à un droit indérogeable au sens de l’article 3 commun aux quatre conventions de Genève (coefficient 1) :
- les destructions, saccages, fermetures ou suspensions de médias
- Les exactions contrevenant à un droit indérogeable au sens de l’article 3 commun aux quatre conventions de Genève :
- les otages et les disparitions (coefficient 50) ;
- les détentions (coefficient variable selon la durée, allant de 25 à 50) ;
- les homicides (coefficient 100).
Coefficients
Catégorie d’exaction (xi) |
Coefficient (ki) |
Homicides |
100 |
Otages |
50 |
Disparitions |
50 |
Détentions d'au moins 10 ans* |
50 |
Détentions de 9-10 ans* |
47,5 |
Détentions 8-9 ans* |
45 |
Détentions 7-8 ans* |
42,5 |
Détentions 6-7 ans* |
40 |
Détentions 5-6 ans* |
37,5 |
Détentions 4-5 ans* |
35 |
Détentions 3-4 ans* |
32,5 |
Détentions 2-3 ans* |
30 |
Détentions 1-2 ans* |
27,5 |
Détentions de moins d'1 an* |
25 |
Destructions, saccages, fermetures ou suspensions de médias |
1 |
Données sources pour la population par pays ou territoire
Le score exactions est rapporté à la population de chaque territoire. Les données sont celles publiées par la Banque mondiale, sauf dans les cas suivants :
- Taiwan : le bureau des statistiques local ;
- Chypre : Eurostat ;
- Chypre Nord : Banque mondiale (population totale de l’île de Chypre) et Eurostat (population du territoire de Chypre membre de l’UE) ;
- Montserrat, qui fait partie de l’OECO : gouvernement local ;
Les statistiques de population utilisées sont les plus récentes disponibles, soit 2021 pour l’édition 2023 du Classement, sauf exception.
Des analyses régionales réactualisées tous les ans apportent un éclairage et un complément d’information sur les tendances de chaque édition. Le positionnement et la situation de la liberté de la presse de chacun des 180 pays du Classement sont également détaillés dans des fiches descriptives de chaque pays, consultables sur le site.
Analyses régionales
Questionnaire
Dossier compilant le questionnaire en 24 langues.